Droit et Société - Volume 38 - Sociologie de la médiation judiciaire - 241

Chapitre 10 - La posture du magistrat face à la médiation
tudes de résistances nuisant à l'efficacité de la prescription de la médiation.
Aux yeux de ces juges, l'avocat doit au mieux être un conseil des parties, un
conseil avisé, ce qui suppose qu'il soit au fait de ce qu'est la médiation. Ce
n'est donc pas une opposition de principe que l'on rencontre chez ces magistrats
mais une méfiance et des doutes quant à la capacité des avocats d'accompagner
les médiés en médiation.
« Je pense que les avocats ont leur place dans la médiation mais pour moi, c'est
mieux que le médiateur soit une personne-tiers à l'espace judiciaire.
Mais du coup, ils ont quelle place ?
Ben, de conseiller, de conseiller sur le plan de la formalisation de l'accord par
exemple, ça peut être tout à fait cela, oui, oui. » Magistrate - CA.
Ainsi, pour cette magistrate, le rôle se limite à conseiller le médié dans la
rédaction formelle de l'accord, une manière de le limiter à la portion congrue
l'action de l'avocat par rapport à l'ensemble du processus. Même quand
l'association avec les avocats semble propice, il peut exister des attitudes défavorables
à la médiation chez certains conseils, qui se dévoilent lorsqu'elles
s'incarnent dans un dossier concret et qui touche directement l'avocat. Cela révèle
un décalage entre les intentions et les réalisations.
« Y'a des avocats, devant moi, personne est venu me dire " Non la médiation on
n'en veut pas " . Mais je pense qu'ils... ne me l'auraient pas dit. Ils ne me
l'auraient pas dit [sourires]. C'est-à-dire en fait les avocats en général ils sont,
on va dire, ils sont souvent favorables à la médiation dans l'absolu, mais dès que
cela concerne leur dossier, dès lors c'est beaucoup plus compliqué. Ils ont peur
euh - ils me l'ont dit et je le comprends tout à fait - de paraître trop mous vis-àvis
de leur client, qui du coup les regardent et leur disent " ben écoutez si vous
prenez pas vraiment mon dossier moi je vais voir quelqu'un d'autre quoi " . »
Magistrat - TGI.
La position critique de ces magistrats envers les avocats se nourrit également
de la faible capacité que ces derniers auraient de comprendre l'évolution
de leur rôle. Les questions de la présence et du rôle de l'avocat ne se limitent
pas à connaître son rapport à la médiation, mais sont liés à la conscience qu'ont
ces avocats des modifications profondes de leurs missions, selon les magistrats.
Il ne s'agit pas de s'opposer par principe aux avocats, de redonner un lieu d'affrontement
entre ces deux professions juridiques, mais plutôt de souligner des
pratiques qui s'accordent, selon les magistrats, à ce que l'on attend de l'avocat
contemporain 11.
« Les avocats pourraient... mais ils vont le faire, ça va venir, c'est l'avenir de
leur profession, jouer plus ce rôle de négociateur. Et oui, tant dans le monde des
affaires, dans le monde civil que dans le monde des affaires familiales. Parce
qu'aujourd'hui le réflexe - c'est pas acceptable - d'un avocat, ils le reconnais11.
Parmi nos 27 interviewés, nous avons recensé 4 anciens avocats.
Recherches et travaux, vol. 38/2023
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