Droit et Société - Volume 38 - Sociologie de la médiation judiciaire - 38

PHILIPPE CHARRIER
ché. Il s'agit principalement de lutter contre les abus des producteurs en matière
de fraude, de publicité ou de pratiques anticoncurrentielles pour fluidifier le
marché, d'informer le consommateur sur ses droits et de le doter de compétences
marchandes » 85. Plongé dans l'économie marchande et alliée à celle-ci,
la défense des consommateurs possède donc une longue tradition dans la plupart
des pays occidentaux 86. De nos jours c'est également à l'échelle européenne
que s'initie l'encouragement à ces modes amiables. Une directive européenne
récente demande aux pays membres de mettre en place un mode
amiable quel qu'il soit pour réguler les conflits de consommation. L'argument
principal tient à la nécessité d'assurer la confiance des consommateurs envers
le marché européen, ce qui permettrait de renforcer la dynamique du marché
économique intérieur 87. Dans ce contexte, deux stratégies sont possibles : soit
imposer des normes et des contraintes régulant ce marché, soit le réguler en
quelque sorte a posteriori en déléguant aux principaux concernés, le professionnel
et le consommateur, la possibilité de trouver la régulation (ou la solution
au problème) adéquate. C'est la seconde voie qui a été choisie si l'on étudie
les discours de l'Union Européenne à propos des conflits et litiges de consommation.
Rien d'étonnant donc à ce que des processus de règlements
amiables de litiges commerciaux émergent à côté des processus judiciarisés et
même soient affichés comme la voie privilégiée, sachant que les autorités publiques
sont contraintes à les mettre en place à la suite de directives européenne
88.
En France, la médiation de la consommation est nettement encadrée et organisée
par l'État. Les médiateurs de la consommation sont soumis à une sélection
effectuée par une commission 89 regroupant des hauts fonctionnaires des
ministères de l'économie et de la justice, des représentants des associations de
consommateurs et quelques universitaires (juristes). Parmi ces membres, on ne
trouve donc aucun médiateur ni même de personnalité possédant un savoir en la
85. Idem, p. 710.
86. Marie-Emmanuelle CHESSEL, Histoire de la consommation, La Découverte, Coll. Repères
Paris, 2012.
87. « Le marché intérieur devrait apporter aux consommateurs une valeur ajoutée sous la forme
d'une qualité accrue, d'une plus grande variété, de prix raisonnables et de normes de sécurité
élevées pour les biens et les services, ce qui devrait favoriser un niveau élevé de protection des
consommateurs. Le cloisonnement du marché intérieur nuit à la compétitivité, à la croissance
et à la création d'emplois dans l'Union. Aux fins de l'achèvement du marché intérieur, il est
essentiel de supprimer les obstacles directs et indirects au bon fonctionnement du marché intérieur
et de renforcer la confiance des citoyens. Assurer un accès à des moyens simples, efficaces,
rapides et peu onéreux de résoudre les litiges nationaux et transfrontaliers résultant de
la vente de marchandises ou de la prestation de services devrait profiter aux consommateurs et
donc renforcer leur confiance dans le marché. Cet accès devrait valoir aussi bien pour les transactions
en ligne que pour les transactions hors ligne et revêt une importance particulière lorsque
les consommateurs font des achats dans un autre pays. » Directive 2013/11/UE du Parlement
Européen et du Conseil du 21 mai 2013.
88. Au moment où nous écrivons ces lignes seuls quelques pays n'ont pas mis en place de système
de règlement des litiges de consommation extra-judiciaire.
89. La Commission d'Evaluation et de Contrôle des Médiations de la Consommation (CECMC).
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Recherches et travaux, vol. 38/2023

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