Revue - Droit et société n°116-2024 - 60

Coline Cardi, Anaïs Henneguelle, Anne Jennequin, Corinne Rostaing
peu, la surveillance d'activités mixtes regroupant des hommes et des femmes
détenu·es16. Dans ces conditions, le seuil minimal de surveillantes pénitentiaires
peut être déterminé précisément au regard à la fois du nombre de quartiers et
établissements accueillant des femmes et du nombre de femmes incarcérées.
Inversement, la part des femmes surveillantes doit être limitée pour garantir
le bon fonctionnement des quartiers et établissements pour hommes. Jusque dans
les années 1990, et de manière assez étonnante sans qu'aucun texte ne le prévoie,
il était en pratique admis que les hommes détenus ne pouvaient être surveillés que
par des hommes. Le nombre de surveillantes nécessaires pour faire fonctionner
les quartiers et établissements pour femmes était dans ces conditions à la fois le
nombre minimum et maximum. À partir des années 1990, les pratiques d'affectation
ont été infléchies et des surveillantes ont été progressivement admises dans les
lieux de détention masculins, là encore sans qu'aucun texte ne permette de dater
précisément l'évolution. La part maximale de femmes parmi les surveillant·es
pénitentiaires a ainsi été relevée, naviguant entre deux contraintes de gestion des
personnels. D'un côté, plusieurs considérations de bonne gestion des ressources
humaines justifiaient une plus grande féminisation du personnel de surveillance : il
s'agissait de permettre la mobilité des surveillantes qui souhaitaient se rapprocher
de leur conjoint travaillant également en établissement pénitentiaire et de répondre
aux besoins de recrutement de l'AP, loin d'être satisfaits par le seul recrutement
de surveillants hommes17. D'un autre côté, les effectifs de surveillant·es dans les
lieux de détention pour hommes doivent tenir compte des conditions d'exercice
des fouilles corporelles : aux termes de l'article R. 225-4 du code pénitentiaire,
les hommes détenus ne peuvent être fouillés « que par des agents de leur sexe ».
Aussi, un nombre minimal d'hommes surveillants doit être présent en permanence
dans les lieux de détention masculins pour permettre, le cas échéant, la réalisation
des fouilles.
Finalement, la féminisation du personnel de surveillance est déterminée en
creux au regard des besoins en personnels masculins. Les surveillantes font figure
de variables d'ajustement. Ce bornage explique la féminisation relative des personnels
de surveillance.
I. 2. Une féminisation relative des personnels de surveillance
Le sexe des candidat·es au concours de surveillant·e entre en considération pour
l'admissibilité aux emplois : le corps d'encadrement et d'application du personnel
de surveillance, « îlot de masculinité18 », est l'un des deux seuls corps figurant
16. Alinéa 4 de l'article R. 211-1 du code pénitentiaire, ajouté par le décret n° 2023-1169, op. cit.
17. Guillaume Malochet, « La féminisation du personnel de surveillance des prisons. Les sens d'une
transgression institutionnelle », in Lydie Bodiou, Marlaine Cacouault-Bitaud et Ludovic Gaussot
(dir.), Le Genre entre transmission et transgression, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014,
p. 145.
18. Emmanuel Aubin, La Fonction publique. Le droit applicable aux trois fonctions publiques
(État - Territoriale - Hospitalière), Paris : Gualino, 2014, p. 225.
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