Revue - Droit et société n°117-2024 - 93

Greenwashing
indicateur retenu par Decathlon, il semble incohérent que Decathlon ne se fonde
pas sur celui d'écotoxicité aquatique. Il aurait été d'autant plus pertinent de retenir
ce dernier que l'industrie textile est responsable de 17 à 20 % de la pollution de
l'eau au niveau mondial. Cela est dû principalement aux processus de fabrication
et notamment aux teintures évacuées par les usines, qui se déversent régulièrement
dans l'eau, formant alors des mares de peintures hautement toxiques pour
la faune et la flore avoisinantes. En outre, selon l'Ademe, les vêtements en matière
synthétique relâchent des microfibres plastiques à chaque lavage. Dans le monde,
ce sont environ 500 000 tonnes de microparticules de plastique qui sont chaque
année relâchées dans les océans69.
Le troisième indicateur que l'entreprise ne prend pas en considération est la
pollution photochimique. Celle-ci est causée par la transformation de polluants
primaires sous l'effet des rayonnements solaires. L'ozone, par exemple, est un polluant
secondaire formé lors d'une réaction photochimique, à partir de substances
provenant principalement des gaz d'échappement des véhicules et de l'industrie.
Or, l'industrie textile faisant partie des plus productives du monde, sa chaîne de
distribution est l'une des plus actives. Ainsi, chaque jour, des millions de camions,
de bateaux et d'avions acheminent les vêtements aux quatre coins du globe, émettant
ainsi des gaz à effet de serre qui participent à la pollution photochimique.
Le quatrième indicateur environnemental écarté est l'acidification de l'eau ou
de l'air. L'acidification de l'eau correspond à une présence trop élevée de dioxyde
de carbone (CO2) dans l'eau (particulièrement celle des océans), qui diminue son
potentiel hydrogène (pH), la rendant par conséquent plus acide. L'acidification
de l'air, quant à elle, fait référence à l'existence de certains gaz dans l'air, comme
le dioxyde de soufre (SO2) et le dioxyde d'azote (NO2), qui se transforment en
acides en présence d'humidité. Ils retombent alors sur terre, parfois très loin
de leurs lieux d'émission, lors d'épisodes pluvieux. Ils sont à l'origine des pluies
acides, qui font diminuer fortement le pH des rivières, des lacs et des sols. Ces
deux phénomènes sont donc étroitement liés. Pourtant cet indicateur n'est pas
utilisé par Decathlon, alors que l'industrie du textile est la deuxième industrie la
plus polluante au monde, avec 1,7 milliard de tonnes de CO2 rejetée par an70. C'est
plus que les émissions des transports aériens et maritimes réunis. Une partie de
ce CO2 se retrouve forcément dans les océans.
Enfin, le cinquième indicateur rejeté est la biodiversité. Il est clair que tous
les indicateurs environnementaux choisis par l'Ademe sont, comme les limites
planétaires, interconnectés, interdépendants. En effet, le changement climatique,
l'eutrophisation de l'eau et son acidification, ou encore l'écotoxicité aquatique ont
nécessairement un impact sur la biodiversité et son intégrité. Ainsi, la biodiversité
est inévitablement impactée dans sa globalité par la pollution, de l'eau comme de
l'air, de l'industrie du textile.
69. Ademe multimedia, La mode sens dessus-dessous, 2022, .
70.
WWF, Changer la mode. L'industrie de l'habillement et des textiles face à une transformation radicale.
Rapport 2017 sur l'environnement et l'innovation, 2017, p. 2.
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