Revue - Droit et société n°118-2024 - 160

Narcisse Mideso
Je tiens à remercier Julien Pieret, Carla Nagels, Wenceslas Busane et
Pacifique Magadju pour la qualité de leurs commentaires et discussions
qui ont nourri la réflexion à la base de cet article. Je remercie également
les lecteurs de la revue Droit et Société pour la qualité de leurs commentaires
et suggestions ainsi que Lison Burlat pour son énième relecture.
Certaines activités, parce qu'elles visent à satisfaire des besoins jugés d'intérêt général,
sont érigées en « activités de service public ». La doctrine juridique développée
sur la notion de service public est pleine des théorisations, toutes sophistiquées,
polarisées par l'épineuse question du critère d'identification du service public. Sans
entrer dans ces considérations, j'entends par service public « toute tâche qui vise à
satisfaire un besoin d'intérêt général et dont l'accomplissement régulier apparaît
nécessaire aux yeux du législateur », selon la définition donnée par Patrick Goffaux1.
En République démocratique du Congo (RDC), l'accès à l'eau potable étant un droit
fondamental reconnu par l'article 48 de la Constitution, les activités garantissant
cet accès forment un service public au sens de l'article 3 (§36) de la loi congolaise
relative à l'eau de 2015. À cet égard, bien que ces activités relèvent du secteur
marchand, elles n'échappent pas pour autant à un encadrement juridique « fondé
sur les principes d'égalité (de traitement des usagers), de mutabilité (adaptation
systématique à l'évolution de normes [et de conditions factuelles de fourniture])
et de continuité (de fourniture ininterrompue)2 ». Il est alors possible de saisir
l'ordre juridique relatif à ce service public à partir d'une analyse englobante de
type top down. Telle n'est pas l'orientation exclusivement adoptée par la présente
contribution, laquelle privilégie une analyse des règles juridiques à l'œuvre dans
l'expérience des acteurs et non en surplomb3 de celle-ci. Une telle approche relève
des questionnements contemporains de la sociologie du droit qui, à travers « un
ensemble des travaux, cherche à saisir non plus seulement le rapport entre droit
et société, mais le droit dans la société, notamment en dehors des arènes qu'on
associe généralement à sa production [et à son application]4 ». Cela implique alors
un déplacement du regard, des règles et acteurs institutionnels formels vers les
1. Patrick Goffaux, Dictionnaire de droit administratif, Bruxelles : Larcier, troisième édition, 2022,
p. 760.
2. Marine Colon, Les contrats de performance dans le secteur de l'eau urbaine ougandais, structures
de la matérialisation de la logique de marché et supports du travail institutionnel, thèse de doctorat en
sciences de gestion, Paris : AgroParisTech, 2014, p. 120.
3. Baudouin Dupret et Ayang Utriza, « La praxéologie du droit. Mise en perspective et mise en
pratique », Julie Colemans et Baudouin Dupret (dir.), Ethnographies du raisonnement juridique, Paris :
LGDJ, 2018, p. 223-242.
4. Charles Reveillere, Demain c'est loin, et aujourd'hui c'est trop tard. Vivre et gouverner le délogement
dans deux espaces populaires en attente de rénovation urbaine, thèse de doctorat en sociologie, Paris :
Institut d'études politiques de Paris, 2022, p. 37.
596 ■ Droit et Société 116/2024
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