Revue - Droit et société n°118-2024 - 172

Narcisse Mideso
de ne les traiter de manière identique que lorsqu'ils se trouvent dans une situation
objectivement et raisonnablement identique. Un traitement différencié est
légalement valide en matière de l'eau s'il repose sur une base objective. C'est le
cas notamment en matière de prix et des tarifs applicables42. À ce titre, « dès qu'un
usager se trouve dans les conditions fixées de manière impersonnelle et générale
par la loi ou le règlement du service, il peut exiger de bénéficier des avantages
de celui-ci et doit en supporter les charges sans discrimination43 ». Cela autorise
ainsi des nuances et dérogations, pas forcément contraires au principe lui-même.
À cet égard, il répond à l'impératif de justice et d'équité. Or, c'est justement pour
éviter une solution injuste puisque jugée non adaptée à la situation personnelle
d'un usager que les acteurs justifient leur engagement dans les collaborations
inofficielles capitalisées.
Les pratiques développées par les acteurs tournent, pour l'essentiel, autour de la
question de l'accessibilité financière de différents services en jeu. L'indisponibilité
des compteurs et la facturation forfaitaire qu'applique l'opérateur posent avec
acuité la question de l'égalité d'accès au service par les usagers. Face à l'injustice
d'une facturation forfaitaire, les collaborations inofficielles vont faciliter l'achat d'un
compteur ou encore le rapportage et le plaidoyer pour une réduction du volume
d'eau à facturer au forfait. C'est aussi le cas lorsqu'il est question de tenir compte
de la situation personnelle de l'usager pour négocier au rabais le paiement des
différents services. Les acteurs conjuguent, pour ce faire, des normes pratiques avec
des normes officielles régissant le service. Ces normes pratiques qui s'agrippent
aux normes officielles revêtent une certaine vertu pratique de redressement de
la rupture d'égalité dans le rapport au service. Se légitiment ainsi aux yeux des
acteurs, les pratiques auxquelles ils s'adonnent et leurs normes d'opérationnalisation
inscrites dans un registre compassionnel fondé sur une logique de la charité,
de la pitié ou de l'indulgence44.
I. 3. Une mise en œuvre inofficielle du principe d'adaptabilité du service public
de l'eau par une collaboration palliative et compassionnelle
L'alinéa 2 de l'article 71 de la loi relative à l'eau dispose notamment qu'en matière
de service public de l'eau, la « politique se conforme au principe d'adaptation des
services à l'évolution des besoins ». Sur ce principe, le droit congolais indique que
« le service public est tenu de s'adapter aux circonstances, changements et évolutions
notamment techniques pouvant affecter son organisation et son fonctionnement
42. Felix Vunduawe te Pemako et Jean-Marie Mboko Dj'Adima, Traité de droit administratif de la RDC,
deuxième édition, Bruxelles : Bruylant, 2021, p. 561.
43. Patrick Goffaux, Dictionnaire de droit administratif, op. cit., p. 342.
44. Jean-Pierre Olivier de Sardan, « Développement, modes de gouvernance et normes pratiques
(une approche socio anthropologique) », Canadian Journal of Development Studies / Revue canadienne
d'études du développement, 31 (1-2), 2010, p. 5-20. DOI : 10.1080/02255189.2010.9669327.
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