Revue - Droit et société n°118-2024 - 21

« Terrorisme », isolement carcéral et droits humains
supérieurs de l'armée34. Le ministre propose donc un ensemble de mesures confidentielles
destinées à protéger la Suisse contre la « menace terroriste », incluant
une coopération internationale sous la forme d'échanges de renseignements. Ce
dernier aspect apparaît dans le dossier d'instruction analysé plus haut et se traduit
par les échanges de télex en réponse aux demandes d'information de la police
fédérale, ensuite intégrés au rapport interne.
Le ministre Furgler cherche également à renforcer la lutte contre le « terrorisme
» dans les arènes de la coopération internationale. À nouveau, la notion
de « terrorisme » justifie l'élaboration d'un dispositif d'intervention spécifique,
contraire à d'autres engagements pris dans les mêmes espaces pour préserver les
droits fondamentaux. Dans une note datée de 1978, le directeur de l'office fédéral
de la Justice dresse le bilan des efforts entrepris par la Suisse dans ce domaine. À ce
titre, selon lui, la cinquième conférence sur la prévention du crime et le traitement
des délinquants de l'ONU a donné des résultats décevants, car il est impossible
d'instaurer un consensus entre des États membres en désaccord sur la notion de
terrorisme, catégorie dont les États socialistes et les pays arabes exigent d'exclure
ce qu'ils désignent comme des mouvements de libération. Quant aux « Mesures
visant à prévenir le terrorisme international » adoptées lors de la xxxie session de
l'Assemblée générale des Nations unies en décembre 1976, elles ne contiendraient
aucune véritable condamnation du terrorisme et consisteraient surtout à renouveler
la reconnaissance des droits des peuples à lutter pour leur libération. De même,
le « Comité spécial du terrorisme international » fondé en 1972 s'est avéré être
une impasse et a cessé son activité. Globalement, les représentants helvétiques
se montrent déçus des négociations dans ce cadre, avec la constante impression
que ces échecs sont dus à un manque de consensus sur la problématique puisque
les membres récemment devenus indépendants ne la considèrent pas de la même
manière que les États européens confrontés à des détournements d'avion et des
prises d'otages comme celle du FPLP citée plus haut.
Si l'ONU n'apparaît pas comme le théâtre de la politique souhaitée par les
autorités suisses, le Conseil de l'Europe fournit un espace beaucoup plus propice
à une coopération garantie par une confiance mutuelle entre les membres. Un
« Comité d'experts sur les problèmes posés par certaines nouvelles formes d'actes
de violence concertés », auteur de la Convention européenne pour la lutte contre
le terrorisme signée par tous les membres (à l'exclusion de l'Irlande, l'Espagne
et Malte), devra examiner les sanctions à l'encontre des « terroristes », faciliter la
communication entre les autorités qui les poursuivent et permettre leur transfert
immédiat et officieux, indépendamment des traités d'extradition. Il s'agit également
d'établir une juridiction unifiée entre les États où ont été perpétrés les délits, la
France ayant soumis l'idée de créer un « Espace judiciaire européen ». Les résultats
à l'échelle des membres du Conseil de l'Europe se révèlent donc beaucoup plus probants.
Le chef de l'office fédéral de la Justice passe enfin en revue les modifications
34. Dodis n° 40923, Kurt Furgler, An den Bundesrat, Vertraulich, Sonderstab « Geseilnahmen » [Au
Conseil fédéral, confidentiel, état-major spécial « Prise d'otage »], 29 avril 1975.
Droit et Société 118/2024 ■
457
Revue - Droit et société n°118-2024

Table des matières de la publication Revue - Droit et société n°118-2024
