Revue - Droit et société n°118-2024 - 57

Ce que la massification du contentieux des violences conjugales fait au travail
J'ai l'impression de passer mon temps à répondre aux appels à projets. Ça me prend plus de la moitié
de mon année. Je la passe à demander des subventions, en comptes rendus de subventions, en analyse
de tout ça. Ça va faire plus de dix ans que je suis à ce poste, ce n'était pas du tout la réalité au départ.
- Entretien, coordonnatrice départementale Femmes Entraide, 18 juin 2021.
Je trouve que ce qu'ils nous demandaient pour répondre à cet appel à projets pour une dotation
« que » de 150 000€ c'est complètement dingue et démesuré. [à propos de l'appel à projets
pour le centre d'accueil des auteurs de violences conjugales].
- Entretien, directeur du service pénal de l'association départementale socio-judiciaire,
28 mai 2021.
L'association socio-judiciaire décide alors de créer un poste de technicien dédié à
cette recherche de financements pour l'ensemble de ses secteurs d'intervention,
dont celui des violences conjugales.
La massification du contentieux et leur sur-sollicitation ont conduit les associations
à revoir leur organisation du temps de travail et de leurs effectifs dans un
contexte très contraint financièrement. La pression sur les équipes de direction
et les personnels est tangible et plusieurs associations font part d'un risque de
saturation, d'épuisement professionnel, le travail sur les violences conjugales
étant émotionnellement difficile. La coordinatrice de Femmes Entraide explique la
diversité du travail accompli auprès des femmes bénéficiant d'un TGD et exprime
son inquiétude à voir le nombre de TGD accompagnés augmenter encore.
Parce que si vous voulez l'année dernière, si on prend au 1er janvier 2022, on était avec
13 téléphones grave danger pour le parquet de Trian. Aujourd'hui, on est à 35. Donc c'est une
augmentation importante et sachant qu'on nous a dit il n'y a pas si longtemps qu'il y avait
15 TGD dans les placards du parquet qui attendaient. Donc il faut pouvoir répondre, parce
que l'accompagnement qu'on réalise au niveau du TGD, c'est un accompagnement complet
par rapport aux violences conjugales. Et donc ça prend énormément de temps.
- Entretien, coordonnatrice départementale Femmes Entraide, 18 Juin 2021.
Le secteur associatif fait ainsi surtout face à des sollicitations toujours plus nombreuses
et doit réajuster ses conditions de fonctionnement pour répondre à
l'ensemble des actions définies sur le territoire. Il en résulte une dégradation des
conditions d'accueil que regrettent les professionnels.
Concrètement, on nous demande d'en faire plus, mais les moyens ne sont pas là. Très concrètement
aujourd'hui on a été obligé de réduire notre plage d'écoute. Si on veut faire tout ce
qu'on nous demande de faire, on n'a plus les moyens d'avoir l'écoute tous les jours de 9 heures
à 17 heures. C'est quelque chose qui est intolérable pour nous, mais un moment donné si on
veut accueillir les femmes dans de bonnes conditions...
- Entretien, coordonnatrice départementale Femmes Entraide, 18 juin 2021.
Ainsi, la massification du contentieux conjugal affecte l'intervention des partenaires
associatifs soit en augmentant leur activité sans moyens supplémentaires, ce qui
entraîne une dégradation des conditions de travail des personnels et d'accueil des
victimes, soit en contrevenant au principe de respect de l'autonomie des femmes.
Droit et Société 118/2024 ■
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