Revue - Droit et société n°118-2024 - 80

Catherine Prébissy-Schnall et Éric Pezet
justice », au sens de justice intelligente, mais aussi de justice astucieuse63. Pour ce
faire, des applications qualifiées de legaltechs permettent notamment d'aider à
la rédaction des jugements, d'évaluer les risques contentieux en réduisant l'aléa
judiciaire, d'analyser les contrats, de prédire l'issue d'un litige en se basant sur une
grande quantité de décisions de justice déjà rendues64. De même, afin de diminuer
les convocations non honorées des personnes placées sous-main de justice, les
intrapreneurs du ministère de la Justice ont conçu la solution numérique « Mon
suivi Justice ». Il s'agit d'un outil de gestion des sorties d'audience permettant
d'organiser les convocations dès la condamnation. Reposant sur le même principe
que Doctolib, le système repose sur l'envoi de SMS de convocation, de rappels et
d'informations65.
La mise en œuvre de la justice numérique témoigne ainsi de l'appropriation
par l'État des différents outils de modernisation de l'appareil judiciaire pour en
pallier les carences tout en faisant preuve d'efficacité et d'économie.
En réponse à la pression anomique, d'autres stratégies juridiques sont adoptées
pour anticiper ou contenir les effets anomisants, comme le montrent notamment
les textes adoptés au niveau européen depuis l'adoption du RGPD en 201666.
II. 2. Les stratégies juridiques d'accompagnement et d'encadrement du numérique
En réponse à la pression anomique, trois stratégies se dessinent : l'approche par les
risques qui s'est imposée comme la principale modalité de régulation des activités
numériques, le maintien d'une vigilance démocratique et la mise en place d'une
politique de révision régulière des textes.
L'approche par les risques
Cette stratégie est fondée sur le risque, c'est-à-dire sur une mesure de l'incertitude67.
La gestion du risque vise à anticiper la survenance d'un dommage par la réduc63.
Antoine Garapon et Jean Lassègue, Justice digitale. Révolution graphique et rupture anthropologique,
Paris : Presses universitaires de France, 2018.
64. Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
et son décret d'application du 29 juin 2020 ainsi que le Décret n° 2021-1276 du 30 septembre 2021
encadrent le régime de l'ouverture des données jurisprudentielles.
65. Expérimentation lancée au printemps 2021 par Madame Félicie Callipel, secrétaire générale
adjointe de la présidence au tribunal judiciaire de Nanterre et aujourd'hui directrice du programme
Portalis ayant pour but la dématérialisation des démarches judiciaires au sein du ministère de la Justice,
et Delphine Deneubourg, directrice adjointe du Service pénitentiaire d'insertion et de probation
(SPIP) des Hauts-de-Seine.
66. Raphaël Gellert, The Risk-Based Approach to Data Protection, Oxford : Oxford University Press,
2020, introduction, p. 1 : « Le concept d'une approche de la protection des données basée sur les risques
a été mis en avant lors du processus de refonte du règlement général sur la protection des données
(RGPD) de l'UE ».
67. David Le Breton, Sociologie du risque, Paris : Presses universitaires de France, 2022 [1995].
DOI : 10.3917/puf.lebre.2022.01.
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