Dictionnaire de la Globalisation - 419

POS dication d’universalisme, de la monocentricité de l’État, de l’aspiration du droit à la simplicité absolue et à la sécurité qui s’ensuit, fondements sur lesquels reposent les systèmes juridiques et politiques issus de la pensée moderne occidentale ou qui ont été marqués de son empreinte. En ce sens, une approche postmoderne du droit suppose l’abandon d’une épistémologie positiviste au profit d’une prise de position résolument constructiviste. En bref, le paradigme rationnel-systématique du Droit occidental a été conçu et structuré originairement sur des certitudes, dogmes, prévisions et croyances héritées de l’idéologie des Lumières, modelé par le poids de récits utopiques de transformation sociale, une excessive confiance dans un certain type de rationalité instrumentale formelle ; il s’appuyait sur la prétention de l’application mécanique de conceptions purement abstraites. Le paradigme traditionnel qui nous a été ainsi légué est réductionniste, conservateur, parce que prisonnier du passé, indulgent sur ses propres apories, limitations et déficiences. La méthode en vigueur, qui repose sur la rationalité d’un droit éminemment formel, calqué sur les formulations simples, et à laquelle nous ont accoutumé les législateurs ‘modernes’, ceux des grandes codifications et leurs successeurs, se trouve aujourd’hui confrontée à une progressive perte d’opérationnalité et d’efficacité, et s’essouffle. La clarté et la simplicité que nous a léguées cette conception du droit correspondaient à la conception d’un univers simple, soumis au déterminisme, à un ordre programmé. Nous devons nous ouvrir, aujourd’hui, à la compréhension de phénomènes qui se révèlent complexes. La conjugaison de facteurs comme le développement récent des technologies de l’information, la globalisation de l’économie, l’accélération des mutations culturelles, la multiplication des phénomènes transculturels, le surgissement de nouveaux risques à l’échelle planétaire, notamment en matière d’environnement et de sécurité globale, la sophistication croissante des méthodes de contrôle social, le développement systématique de la négociation au détriment du conflit, des méthodes alternatives de régu-

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lation sociale au détriment des droits étatiques : tout s’oppose au mode de régulation par des droits créés pour les besoins d’autres temps, et sur des canons philosophiques spécifiques de la ‘modernité’. Législateurs, magistrats, professionnels du droit ne savent plus comment répondre aux demandes qui leur sont adressées, et qui sont de plus en plus inintelligibles selon les paramètres traditionnels. Une perception manichéiste de la société ne permet de trouver que des solutions purement idéalistes à des situations nées dans une conjoncture complexe. La tendance à la fragmentation du droit monolithique de la modernité en régulations juridiques infra et supra-étatiques, parfois alternatives au droit officiel, est un symptôme de l’époque contemporaine. La quête éternelle de sécurité, de prévisibilité des conduites et des mécanismes de contrôle social s’évanouit face au risque et à la contingence, relativisant ou vidant de leur contenu les dogmes juridiques jusque là considérés comme insusceptibles d’être mis en question. La rapidité des transformations révèle l’anachronisme des instruments théoriques et pratiques dont disposent les juristes. On a beaucoup critiqué les prises de positions postmodernes. On a même pu les décrire comme un symptôme de frustration politique et de mobilité sociale, plus qu’un phénomène intellectuel ou culturel réellement significatif (Callinicos, 1990). Certains nient au postmodernisme tout critère autre que la rupture, la fragmentation, le refus de toute contrainte et de toute rigueur, la fin de l’humanisme. Mais le postmodernisme en droit n’est pas un mouvement lié à une attitude politique réactionnaire. Il invite plutôt à reconnaître que les racines modernes de la conception de l’État et du droit sur laquelle nous vivons encore sont bien mortes, et qu’il est temps de passer à une redéfinition de racines philosophiques susceptibles de permettre d’instaurer une régulation pertinente de nos sociétés contemporaines. Car la conception de ce qu’est le droit est en train de changer. Le progrès n’est pas celui que nous espérions ; on ne sait plus exactement, aujourd’hui, ce qui est attendu du droit ; on parle partout de crise du droit, de
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