La performance juridique : pour une vision stratégique du droit de l'entreprise-1 - 188

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L’appréhension de la sphère juridique par l’entreprise

encouragent des modes de gestion de la conformité qui ne concourent aucunement à la création d’une culture de la compliance 189. Qui plus est, d’un point de vue plus institutionnel, une réglementation au caractère hautement coercitif n’entraînera une amélioration de la compliance qu’à condition que les autorités de contrôle et de sanction soient dotées de ressources suffisantes. Or, mécaniquement, plus les coûts de conformité vont augmenter pour les entreprises, plus elles pourront avoir tendance à adopter une attitude dissidente, ce qui aura pour conséquence d’accroître les coûts de confrontation entre l’entreprise et les autorités compétentes. Les normes de substance moins coercitive et plus incitative seraient donc plus à même de provoquer la compliance, et la collaboration entre l’entreprise et les autorités de régulation plus efficaces que le modèle « ordonner et sanctionner » 190.
Un domaine tel que celui du droit de la concurrence nous offre d’ailleurs une illustration du modèle « incitatif ». L’article L. 464-2 du Code de commerce français prévoit en effet que les entreprises peuvent proposer à l’Autorité de la concurrence des engagements de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles. Pour ouvrir droit à une réduction d’amende, ces engagements doivent être crédibles, vérifiables et susceptibles de régler l’atteinte à la concurrence. Ils peuvent inclure, notamment, une formation obligatoire pour les employés, l’édition d’un code de bonne conduite, une procédure de « whistleblowing », ou encore la signature par les dirigeants d’une lettre de conformité ´ attestant la bonne exécution de la procédure adoptée par l’entreprise 191. Aux EtatsUnis, les Organizational Sentencing Guidelines donnent aux entreprises la possibilité de bénéficier d’une réduction de peines si elles peuvent démontrer qu’elles ont mis en place un programme effectif de conformité 192.

Pour autant, faut-il définitivement considérer que le modèle « coercitif » serait systématiquement moins à même d’entraîner les entreprises dans une logique de conformité que le modèle basé sur l’incitation et la coopération ? Une telle affirmation serait contestable. Différentes variables doivent être prises en compte,

189. P. FIORELLI et A. M. TRACEY, « Why comply? Organizational guidelines offer a safer harbor in the storm », Journal of Corporation Law, 2007, 32(3), p. 467-490. 190. Sur l’incitation, voir K. HAWKINS, « Bargain and bluff: compliance strategy and deterrence in the enforcement of regulation », Law and Policy Quarterly, 1983, 5, p. 35-73. A. HEYES, « Implementing environmental regulation: enforcement and compliance », Journal of Regulatory Economics, 2000, 17(2), p. 107-129. Sur la collaboration, voir notamment W. Painter, « Game theoretic and contractarian paradigms in the uneasy relationship between regulators and regulatory lawyers », Fordham Law Review, 1996, 65, p. 601-653. C. COGLIANESE et R. A. KAGAN, Introduction, in C. COGLIANESE et R. A. KAGAN (eds), Regulation and regulatory processes, Burlington, Ashgate, 2007, p. 11-26. 191. A. GEORGES, « Les procédures négociées en droit de la concurrence ou comment échapper aux sanctions... tout en se faisant prendre », Reflets, 2007, mai-juin, p. 46-48 ; C. XUEREF et F. GARNIER, « Compliance policies – the counsel’s points of view », Concurrences, 2008, 4, 22377. 192. D. E. MURPHY, « The Federal Sentencing Guidelines for organizations: a decade of promoting compliance and ethics », Iowa Law Review, 2002, 87, p. 697-719.

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