Biblio Droit privé - La nullité du contrat et le droit pénal - 22

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LA NULLITé DU CONTRAT ET LE DROIT PéNAL

Le droit pénal réduit ainsi le rayonnement de l’autonomie de la volonté en sanctionnant pénalement et non civilement les conditions de formation du contrat. Or cette intervention répressive est critiquable si elle méconnaît le cadre posé par les conditions civiles de la formation du contrat. Elle risque de porter atteinte au dispositif civil présumé garantir au mieux la protection de tous les intérêts intervenant dans la formation du contrat. Pour qu’un tel résultat soit légitime, la sanction pénale doit offrir une protection plus adéquate que la seule sanction civile tout en conciliant les intérêts en présence19. 7. Selon Kelsen, la délégation légale, dont bénéficient les contractants afin d’élaborer une norme, est justifiée au regard du législateur qui la considère comme la mieux indiquée pour la protection des intérêts des contractants et de la justice20. Ces considérations constituent les finalités du droit objectif ou des principes fondamentaux de la théorie générale du contrat, selon M. Ghestin qui les rattache aux notions de juste et d’utile dont il analyse les conséquences en droit des contrats21. Le juste et l’utile seraient au fondement du principe légal d’autonomie de la volonté ainsi que des dérogations légales qu’il supporte22. Il convient néanmoins d’apporter deux précisions. Certaines règles rattachées à l’autonomie de la volonté accèdent aujourd’hui au rang de principes constitutionnels23. La mise en œuvre de l’utile et du juste relève en ce cas du seul pouvoir constituant et de l’interprétation du Conseil constitutionnel. Ni la loi, ni le juge ordinaire ne sauraient en principe mettre en œuvre ces considérations pour limiter l’autonomie
19. évoquant la question de l’équilibre des intérêts après celles de l’autonomie de la volonté et de l’intérêt public, on remarquera que sont ainsi énoncés les trois principes qui «  animent tout le système (…) dans notre organisation sociale actuelle (…) 1° principe de l’autonomie de la volonté  ; 2° principe de l’ordre public ou de l’intérêt supérieur  ; 3° principe de l’équilibre des intérêts privés en balance.  »  : f.  Geny, Méthode d’interprétation et sources, op. cit., t. II, n° 171, p. 150. 20. H. Kelsen, « La théorie juridique de la Convention », APD, Le problème du contrat, Sirey, 1940, p. 33, spéc. p. 48. 21. J.  Ghestin, op. cit., nos  225 à  282. L’auteur distingue l’utilité privée (le juge vérifie si le contrat a un intérêt pour l’une des parties) et publique (le juge s’assure notamment de la conformité du contrat à l’intérêt général et de son utilité sociale qui fonde la force obligatoire du contrat et la liberté contractuelle). Dans l’ensemble, l’utile justifie les règles légales et jurisprudentielles destinées à assurer l’efficacité de l’outil contractuel dans sa fonction d’échange. Le juste contractuel est en revanche au fondement des règles qui garantissent une justice commutative, c’est-à-dire l’équilibre des prestations contractuelles (par exemple, les notions de cause et de bonne foi). Lorsque l’utile et le juste s’opposent, une conciliation est nécessaire : ibid., n° 265. 22. On se rapproche dès lors d’une conception jusnaturaliste, peu compatible avec l’idée kelsénienne selon laquelle l’autonomie de la volonté constitue un simple choix législatif. Par ailleurs, « le juste implique déjà l’utile ». La tâche de la justice « est justement d’arbitrer les utilités » : M. Villey, «  Une définition du droit  », in APD, Droit et histoire, 1959, p.  47, spéc. p.  59-60. Déjà en ce sens, f. Geny, Science et technique du droit privé positif. Nouvelle contribution à la méthode juridique, Paris, t. I, Sirey, 2e éd., 1922, p. 50-51 : « À parler net, quand nous envisagerons le droit, nous absorberons l’utilité dans la justice, en vue de rattacher à un idéal supérieur le principe de solution des conflits d’inté‑ rêts ; et il paraît préférable, si l’on veut maintenir cet idéal dans sa pure intégrité, de laisser au juste le privilège d’en remplir exclusivement le contenu. » 23. Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant, ce qui tend à protéger la force obligatoire du contrat. À défaut d’un tel motif, la loi ne peut prolonger, au-delà du terme contractuel, la destination sociale négociée de certains logements ou avoir un effet rétroactif remettant en cause un droit acquis. « Le Conseil constitutionnel vérifie la conciliation réalisée par le législateur entre les exigences de la liberté contractuelle et l’intérêt général tenant à la réglementation de cette liberté  »  : L.  favoreu, Droit des libertés fondamentales, Précis Dalloz, 4e éd., 2007, n° 279.
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