Biblio Droit privé - La nullité du contrat et le droit pénal - 28

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LA NULLITé DU CONTRAT ET LE DROIT PéNAL

Quoi qu’il en soit, l’intrusion du droit pénal n’est pas insensible à ces évolutions45, la fonction normative des lois criminelles étant susceptible d’y contribuer ou de les compromettre46. 13. On peut envisager, à l’inverse, l’influence sur la théorie des nullités contractuelles du changement de paradigme en droit pénal. Du droit pénal archaïque, où la sanction civile n’était pas nettement différenciée de la sanction pénale, au droit pénal moderne, dominé par les principes de légalité et de nécessité hérités de Beccaria, jusqu’au droit pénal contemporain, qui adjoint à la théorie moderne les enseignements de la criminologie47, de tels bouleversements ont des effets parcimonieux sur la conception civile des nullités contractuelles. À titre d’exemple, le principe de légalité a inéluctablement amené le législateur à distinguer le dol civil du dol criminel. Quant au droit pénal contemporain, on peut se demander si l’individualisation des peines n’a pas agi sur l’intérêt porté en droit civil à la sauvegarde du lien contractuel, ce qui confirmerait l’analyse prophétique de Saleilles : « il se produit aujourd’hui un mouvement général ayant pour objet de détacher le droit des formules abstraites qui, pour le vulgaire tout au moins, paraissent le soustraire au contact de la vie. Il n’est pas douteux que le droit civil, tôt ou tard, subira une transformation de ce genre. En attendant c’est par le droit pénal que l’évolution commence. »48 14. Enfin, le rapprochement de la nullité du contrat et du droit pénal s’impose du fait que la nullité constitue la sanction de principe des conditions de formation du contrat. Pour cette raison, elle a vocation à entretenir des liens privilégiés avec le droit criminel lorsque son intervention est liée à la formation du contrat. De ces liens résulte l’intérêt qu’apporte l’étude de la nullité et du droit pénal, en tant que modèle pour la compréhension des rapports entre le droit des contrats et le droit pénal. La nullité est, par ailleurs, une sanction radicale comparable, de par sa gravité et son caractère répressif, à la sanction pénale, « elle s’applique certes, à des actes juridiques, mais c’est contre les personnes qu’elle est dirigée »49.
45. Voir également l’influence des paradigmes établis en dehors du droit sur celui-ci  : D. De Béchillon, Qu’est ce qu’une règle de Droit ?, Odile Jacob, 1997, p. 115 et s. 46. À titre d’exemple, la sanction pénale peut être une alternative à la nullité afin de sauvegarder le lien contractuel. À l’inverse, elle peut conduire le juge à retenir le caractère impératif d’une norme et à prononcer la nullité du contrat qui lui est contraire. Il convient aussi d’étudier l’influence du droit pénal sur la nature de la nullité et l’obligation du juge de relever d’office la nullité. 47. M. Ancel, La défense sociale nouvelle, Un mouvement de politique criminelle humaniste, Cujas, 3e éd., 1981, p. 34. L’objectif de la doctrine de la défense sociale qui va jusqu’à remettre en cause le principe d’unité des juridictions de l’ordre judiciaire est la « protection efficace de la communauté sociale grâce à l’appréciation des conditions dans lesquelles le délit a été commis, de la situation personnelle du délinquant, de ses possibilités de relèvement et des ressources morales et psychologiques auxquelles on peut faire appel en lui pour appliquer en l’espèce un véritable traitement de resocialisation. » 48. R.  Saleilles, L’individualisation de la peine, étude de criminalité sociale, Paris, 1898, préf. G. Tarde, p. 4. Et l’auteur de rappeler la révolution que constitue la théorie de la défense sociale, qui rompt avec la conception abstraite et objective de la peine pour embrasser une conception subjective, certes moins égalitaire, mais plus conforme à l’idée de responsabilité (p. 56 et 79). Néanmoins, la doctrine de la défense sociale ne saurait rompre totalement ni avec la conception abstraite de l’infraction «  dans la mesure où le droit criminel est sanctionnateur, le juge pénal ne peut, sous peine de s’ériger en législateur, méconnaître ou dénaturer les lois civiles qu’il est appelé à sanctionner  »  : R.  Merle et A. Vitu, op. cit., n° 154 ; ni avec la conception abstraite de la peine, vivifiée par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive (C. pén., art. 132-18-1). 49. Ph. Simler, note sous Com., 25 mars 1974, JCP 1976.II.18378, in fine. L’auteur critique ainsi l’arrêt admettant qu’un concédant puisse agir en nullité ou résilier le contrat contraire aux dispositions légales qui limitent à dix ans la durée maximum de validité des clauses d’approvisionnement exclusif (C. com., art. L. 330-1), alors que cette règle est protectrice du seul concessionnaire.
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