La monnaie dans les relations privées internationales - 229

LA DÉTERMINATION DE L’UNITÉ MONÉTAIRE DE COMPTE : LES CONFLITS D’UNITÉS MONÉTAIRES 211 l’unité monétaire choisie par les parties. Le fait que le contrat soit régi par cette loi cantonale a fait présumer que le franc suisse était l’unité monétaire compétente. Les juges ne sont pas allés plus loin, ils n’ont pas cherché les règles de droit suisse qui leur donneraient la solution. Cette démarche revient à faire de la loi du contrat un facteur de désignation de l’unité monétaire. Le raisonnement est identique dans un arrêt relatif à une clause monétaire dont l’ambiguïté résulte non d’une polysémie monétaire, mais d’un défaut de stipulation par les parties. Dans une affaire jugée en 1981, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt dans lequel les juges de la Cour d’appel de Fort-de-France avaient considéré qu’en l’absence de choix par les parties d’une monnaie de compte, celle-ci était celle « du pays dont la loi est applicable au contrat, ce pays étant ici la France du fait que les relations des parties étaient localisées dans un territoire français »99. L’utilisation de la loi applicable au contrat en tant qu’indice en vue de la désignation de l’unité monétaire semble bien accueillie par la doctrine française100. L’arrêt du Tribunal fédéral suisse précité, rendu en 2005, adopte la même solution lorsqu’il énonce que « le droit italien, partant la monnaie de ce pays, est dès lors applicable »101. b) Pour les conflits liés à une succession monétaire 225. Application de la lex contractus. Les cas de conflit de monnaies issus d’une succession monétaire, comme par exemple ceux nés de la création du dinar algérien, substitué au franc français sur le territoire du nouvel État algérien, ont également été résolus par application de la loi du contrat. Dans les arrêts précités, la Cour de cassation désigne la loi applicable au contrat, qui détermine elle-même la monnaie de compte du contrat. Contrairement aux autres cas de substitution d’unités monétaires, dans lesquels la monnaie remplacée disparaît définitivement, ce conflit de monnaies présente la difficulté que l’unité monétaire remplacée continue d’avoir cours dans un autre ordre juridique. Le conflit ne peut alors être résolu par l’application du principe de la lex monetae car deux leges monetae sont à l’œuvre ici : celle de l’unité monétaire substituée et celle de l’unité monétaire qui la remplace. En outre, il ne s’agit pas d’un problème de compétence de l’État à l’égard de son unité monétaire, mais du problème de détermination de l’unité monétaire choisie pour évaluer, normer un rapport pécuniaire. L’application du principe de la lex monetae doit donc être écartée102 ; la lex monetae peut définir l’unité monétaire, non le quantum des obligations. 226. Enjeux de la méthode. La référence à la loi du contrat comme facteur de désignation de l’unité monétaire n’est pas anodine. Au lieu de puiser dans les règles Civ. 1ère 16 novembre 1982, inédit (décision attaquée : CA Fort-de-France, 25 mars 1981). V. P. MAYER, V. HEUZÉ, n° 742 ; B. AUDIT, n°853 ; M. PLANIOL, G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, tome 7 (Obligations), par ESMEIN, n°1191 ; PH. MALAURIE, « Les obligations libellées en monnaie étrangère », TCFDIP, 1975, p. 18, spéc. p. 27 ; J.-P. MATTOUT, Droit bancaire international, précité, n°22. 101 ATC (IIème Cour civile) 27 mai 2005, RVJ 2006, pp. 188-195, V. supra n°199. 102 V. CH. PROCTOR, n°6.12. 100 99

La monnaie dans les relations privées internationales

Table des matières de la publication La monnaie dans les relations privées internationales