Droit et Société - Les audiences à distance - 1re - 180

LES AUDIENCES A DISTANCE

taines victimes de sévices sexuels d'éviter le regard de ceux qui sont pour elles
leurs tourmenteurs ainsi que la pression du public en témoignant à distance devant la cour d'assises.
Au-delà des parties prenantes à l'audience, c'est aussi autour du mode
d'association du public à l'œuvre de justice que la norme de la présence physique à l'audience a été mise à l'épreuve. Le code de procédure pénale prévoit
que « dès l'ouverture de l'audience, l'emploi de tout appareil d'enregistrement
ou de diffusion sonore, de caméra de télévision ou de cinéma, d'appareils photographiques est interdit sous peine de 18 000 euros d'amende ». Cette disposition, outre qu'elle sacralise le temps judiciaire 47, consacre aussi cette exigence
de présence physique, déclinée pour l'ensemble des participants. Or, celle-ci a
été débattue et remise en cause dans les années 2000 48, au nom du principe de
transparence et de la nécessité pour la justice de regagner la confiance des citoyens - après l'affaire d'Outreau notamment. Si finalement le statu quo a prévalu quant au principe, des exceptions demeurent possibles 49. Réalisateurs de
films et de documentaires, chercheurs, peuvent demander et obtiennent parfois
des dérogations leur permettant de filmer des audiences et d'en diffuser le contenu auprès d'un public qui n'était pas (en tout cas pas forcément) physiquement présent à l'audience 50. Un lien est d'ailleurs fait par certains promoteurs
de l'entrée des micros et caméras dans les prétoires et la visioconférence. Ils
avancent que cette dernière introduit de fait « la caméra à proximité du prétoire » et qu'elle peut contribuer à familiariser les acteurs judiciaires avec « le
fonctionnement de l'image » 51. La visioconférence est ainsi mobilisée comme
un argument et un précédent, en faveur d'une levée de l'interdiction de filmer
les débats judiciaires.
Par ailleurs, il n'est pas inintéressant de relever que le magistrat rédacteur
qui est à l'origine de l'idée d'utiliser la visioconférence dans les audiences
entre Saint-Pierre-et-Miquelon a également travaillé sur la question de l'enregistrement des audiences.
47. Antoine GARAPON, op. cit.
48. Elle a fait l'objet de diverses publications, rapports, commissions, tables rondes, dossiers spéciaux dans la presse ou dans des revues spécialisées. Voir le rapport produit par la Commission LINDEN, Rapport sur l'enregistrement et la diffusion des débats judiciaires, La documentation française, Paris, 2005 ; le rapport du CSM de 2007 favorable à l'entrée des caméras et
micros dans les prétoires ; le dossier « La justice sous l'œil des caméras », Droit & Economie
(revue de l'Association française des docteurs en droit), 92, novembre 2004 ; le dossier « Des
caméras dans le prétoire ? », Le Monde supplément Télévisions, 14-15 décembre 2008.
49. Claire SECAIL, « De la loi du 6 décembre 1954 au rapport Linden (2005) : vers le retour des
caméras dans le prétoire ? », Le Temps des médias, 2010, vol. 15, no 2, p. 269-284.
50. On pense notamment aux documentaires La justice en France de Daniel Karlin et Tony Lainé
(1991) d'une part ; Délits flagrants (1994) et 10e chambre. Instants d'audience (2004) de
Raymond Depardon d'autre part qui sont probablement les premiers en France à avoir obtenu
de telles autorisations. Le régime s'est assoupli et depuis les années 2000 ; on assiste à une
explosion des films et séries sur le fonctionnement de différentes juridictions, notamment pénales.
51. Christian DELAGE, cité par Martine DELAHAYE, dossier « Des caméras dans le prétoire ? »,
supplément Télévisions du Monde, 14-15 décembre 2008, p. 8.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 57, 2017

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