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RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

font leur propre histoire’ ; il veut savoir ce que ‘faire’ veut dire. Tous les êtres vivent dans l’histoire, dit-il, au sens où leur vie s’étale dans le temps ; leur pratique se fonde sur la réflexivité, et c’est cela qui distingue la société humaine de la société animale. Mais la ‘pratique réfléchie’ n’explique pas pour autant ce qu’est l’histoire ; elle ne permet pas non plus de spécifier ce qu’est l’histoire de l’humanité. En fait, le terme ‘histoire’ a deux significations, celle de la survenance des événements au fil du temps, et celle de la chronique de ces événements. Selon lui, la tendance à confondre ces deux significations met en évidence certains traits particuliers de l’époque contemporaine, et témoigne de la complexité sous-jacente à l’affirmation apparemment innocente de Marx. Son élucidation présuppose ainsi une explication philosophique du temps. Si, pour Marx, le mot ‘histoire’ signifie la conjonction d’une conception linéaire du temps et de l’idée que, par la connaissance de leur passé, les agents peuvent changer leur futur, cela indique le passage d’une ancienne conception du temps et de la continuité à celle de ‘l’histoire en tant que procès’ 5. En effet, depuis l’avènement du capitalisme industriel dans l’Europe du e XVIII siècle, les formes traditionnelles de vie n’ont pas cessé d’être transformées par un processus continu lié aux changements industriels et politiques. La transition des sociétés pré-industrielles des débuts de la modernité européenne en ‘ordres industriels modernes’ a préoccupé les auteurs des XIXe et XXe siècles, Comte, Marx, Durkheim, Weber, Simmel, Tönnies, entre autres. Ces auteurs ont laissé différentes approches philosophiques, divers corpus conceptuels et des préceptes méthodologiques que nous prenons encore en considération aujourd’hui, même si ces théories ont été éclipsées par la critique intellectuelle et par le cours des événements. Parmi les théoriciens contemporains qui se sont donné la tâche de reconstruire et de renouveler ces théories, Giddens est l’un des plus importants 6. Il veut répondre à sa sixième thèse : ‘les défis de la sociologie seront perdus si l’on ne cherche pas à répondre à des questions telles que : comment pourrait-on au mieux caractériser la modernité ; quelles furent ses origines ; quelles sont les transformations majeures qui influencent les trajectoires du développement de l’histoire mondiale’ 7. Une question s’impose néanmoins : par quelle ‘entrée’ aborder la modernité ? Avec Giddens, on est face à une pluralité d’entrées possibles : celle d’une lecture critique des auteurs classiques tels que Marx, par exemple ; celle de l’analyse des composants institutionnels de la modernité, en l’occurrence l’État et sa consolidation au long de l’histoire ; celle de l’examen des caractéristiques propres à la société moderne, à partir des éléments fournis par la théorie de la structuration 8. On approchera ainsi la modernité par un certain nombre de ces
trying to elaborate my interpretation of the structuration of social life » : Anthony GIDDENS, « A reply to my critics », dans David HELD, John B. THOMPSON (dir.) Social Theory and Modern Societies. Anthony Gidens and his Critics, op. cit., p. 259. Cf. La constitution de la société, op. cit., p. 260 et s. Cf. David HELD, John B. THOMPSON, « Editor’s Introduction », dans IID. (dir.), Social Theory of modern societies. Anthony Giddens and his critics, op. cit., p. 1. Cf. supra, ch. 1. Voir Danilo MARTUCCELLI, Sociologies de la modernité, Paris, Gallimard, 1999, chapitre XIV, p. 507-537.

5. 6. 7. 8.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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