Droit et société - Relire Giddens - 1 - 104

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

development) 25. Il se réfère aussi à l’action des réseaux d’influence qui génèrent, à un moment donné, des épisodes transformationnels 26. Il soutient l’idée que, dans les processus de changement social, il n’y a pas de tendances inévitables, mais un ensemble de discontinuités, de contingences recouvrant les transitions ; il n’existe, dans les transformations sociales, ni ‘modèle global’, ni orientation logique 27. Certains on vu ici des convergences avec la pensée de Raymond Boudon qui, lui aussi, a voulu restituer une place au hasard et au désordre. D’autres y ont décelé des affinités avec Michel Foucault, notamment lorsque celui-ci refuse les ‘genèses linéaires’ qui enferment des totalités et cherche à rendre une place à l’erratique, au discontinu. Giddens aurait adopté, comme lui, une position radicale contre l’évolutionnisme 28. Giddens entreprend l’analyse institutionnelle de la modernité au travers de cette approche du changement social. Par ‘modernité’, il désigne les modes de vie ou d’organisation sociale apparus en Europe vers le XVIIe siècle, et qui progressivement ont exercé une influence plus ou moins planétaire 29. Sa typologie des sociétés est complexe car elle intègre divers éléments d’analyse : les modes de division du travail, les modes d’intégration sociale, les formes de domination, les types d’États 30. Y viennent concourir cinq concepts : celui des principes structurels pour l’analyse des modes d’articulation institutionnelle ; celui des caractérisations épisodiques pour établir des modes de changement semblables ; celui des systèmes intersociaux pour clarifier les relations entre totalités sociétales ; celui de distanciation spatio-temporelle pour saisir les liens entre sociétés de types structurels différents ; et celui du temps mondial pour l’examen des conjonctures à la lumière de ‘l’histoire contrôlée de façon réflexive’ 31. Il en dégage trois grands types de société : les tribus nomades ou sédentaires, peu tournées vers le développement et où le religieux occupe une grande place ; les civilisations non industrielles, marquées par un grand éventail de professions et par le développement de la science et des arts ; et les sociétés industrielles, formées par la rencontre du capitalisme et de l’industrialisation. Ces dernières présentent une nouvelle dynamique, celle de la modernité, qui se fonde sur quatre forces structurantes 32 : le capitalisme, l’industrialisme, la surveillance et la puissance militaire. L’État y prend une nouvelle forme, celle de l’État- nation. Ce type d’État, associé à une production capitaliste systématique, a constitué un complexe institutionnel particulièrement significatif pour l’avènement de la modernité. Ces deux forces – le capitalisme et l’État-nation – ont gagné le monde entier grâce à la puissance qu’elles ont générée. Aucune
25. Le mot ‘conjoncture’ a été utilisé dans la traduction de La constitution de la société, op. cit., p. 312. Ce terme ne nous paraît pas approprié à ce que souhaite exprimer Giddens. 26. Ibid. eod. loc. 27. Cf. Erik Olin WRIGHT, « Models of historical trajectory… », op. cit., p. 91 -92. 28. Cf. Philippe CORCUFF, op. cit., p. 53. 29. Les conséquences de la modernité, op. cit., p. 11. 30. Cf. aussi Jean NIZET, op. cit, p. 43. 31. La constitution de la société, op. cit., p. 304-305. 32. Cf. Jean NIZET, op. cit., p. 29 et s. ; voir aussi le compte rendu de cet ouvrage, réalisé par Pierre PICHERE, sur http://www.melchior.fr [consulté le 20 décembre 2010].

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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