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RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

3.2 – Les défis de la sociologie : s’approprier l’analyse de l’État
En identifiant la ‘société’ à l’État-nation, la sociologie délaisse l’étude de l’État 46. Étudier la formation d’un État comme un ‘épisode’ oblige à tailler dans l’histoire les moments qui marquent le début d’une séquence de changement pour l’inscrire dans les processus de mutation institutionnelle, à prendre en compte la société préexistante dans le contexte de ses relations intersociétales plus larges « qu’il faut examiner à partir des principes structurels qui s’ancrent dans les totalités sociétales », et sans que cela implique pour autant l’abandon des formes endogènes de changement 47. La constitution de l’État moderne a connu trois étapes distinctes et deux phases principales : celle du passage de l’État traditionnel à l’État absolu et celle du passage de l’État absolu à l’État moderne. Si l’État-nation est une expression de la rupture qui a marqué l’avènement de la société moderne, cette dernière peut être expliquée au travers des spécificités propres à ce type d’État. Dans son ouvrage Nation-State and Violence, Giddens élabore une théorie du développement de l’État fondée sur dix points 48 principaux : 1. Les États traditionnels (sociétés des classes) sont, par nature, divisés ; la portée administrative de leur politique centrale est limitée. Ces États n’ont pas des frontières, ils ont des limites. Chez eux, les instances politiques ne ‘gouvernent’ pas dans le sens moderne du terme. 2. L’État absolutiste rompt avec les formes traditionnelles de l’État. Il anticipe le développement de l’État-nation en intégrant le concept de souveraineté qui est lié à la notion d’un pouvoir administratif impersonnel. Ce concept devient constitutif de l’État moderne. 3. Le développement de l’État-nation a présupposé la dissolution de la relation ville/campagne, constitutive des États pré-modernes. Cela a exigé également l’installation d’un ordre administratif de ‘haute intensité’ associé aux frontières. 4. Les États-nations sont, de façon intrinsèque, polyarchiques ; leur caractère polyarchique provient de leur concentration administrative, ellemême résultante de l’amplification de la surveillance et de la nature changeante de la ‘dialectique du contrôle’ que cela produit 49. 5. Les États-nations n’existent qu’au travers des relations systémiques qu’ils entretiennent avec d’autres États-nations. La coordination administrative interne aux États dépend, dès son origine, des conditions de nature in-

46. 47. 48. 49.

Central Problems in Social Theory, op. cit., p. 224. La constitution de la société, op. cit., p. 305. Présentés par Giddens dans l’Introduction à l’ouvrage The Nation-State and Violence, op. cit. On rappellera ici le concept de ‘dialectique du contrôle’ selon Giddens, qui le définit comme le « caractère réciproque de la dimension distributive du pouvoir […] en tant que contrôle : comment, dans des relations de pouvoir, les moins puissants organisent et utilisent leurs ressources de manière à exercer un contrôle sur les plus puissants », La constitution de la société, op. cit., p. 441. Cf. supra la note 27 et le texte correspondant à la note 97 du chapitre 2.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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