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LA MODERNITÉ AVANCÉE

Au Brésil, on peut constater aujourd’hui – sans exagération – l’existence d’une guerre interne qui se manifeste notamment à l’intérieur des favelas. Non point qu’on prétende, ici, approfondir une réflexion sur un paradoxe tragique de la société brésilienne, celui de l’accroissement spectaculaire de la violence depuis l’avènement de la démocratie 66. On voudrait, cependant, montrer du doigt les difficultés que rencontre l’État brésilien dans la pacification de l’espace urbain où une sorte de violence guerrière s’est installée. En fait, plus la démocratie s’est affirmée, et plus la violence sociale, notamment urbaine, a augmenté. Déjà, à l’époque dite de la ‘transition vers la démocratie’ (1979), à l’issue de la longue dictature qu’a connue le Brésil, de 1964 à 1985, on dénonçait l’existence d’une « nouvelle guérilla urbaine », héritière de la guérilla politique. La violence urbaine a acquis, au Brésil, le statut de « problème national ». Cela s’est aggravé depuis une trentaine d’années, en raison de la progressive pénétration du trafic multinational de drogues à l’intérieur des limites territoriales du Brésil. De ce fait, la criminalité brésilienne, comme celle, d’ailleurs, d’autres pays, devient un phénomène systémique transnational avec des caractéristiques ‘ glocales’ 67. Depuis les années 1980, en effet, le territoire brésilien est envahi par les systèmes criminels transnationaux liés aux trafics de drogues. Ces derniers ont voulu en faire un « pont » pour les marchés mondiaux. Des cartels colombiens ont pénétré les grandes villes brésiliennes, notamment Rio de Janeiro et São Paulo, en fournissant les drogues (notamment la cocaïne) destinées à être commercialisées par les bandes criminelles locales. Ces bandes, désormais ‘glocalisées’, liées aux systèmes criminels transnationaux, ont eu besoin de quadriller les territoires pour y contrôler des points de vente. Ils l’ont fait, notamment, à l’intérieur des favelas. D’où la nécessité, pour elles, de commencer par éliminer les petites bandes traditionnelles. Le besoin d’une nouvelle structuration géographique et sociale du crime organisé provoque des ‘guerres’ entre favelas rivales qui se disputent l’appropriation de ces espaces urbains. Absent dans un premier moment, l’État a réagi récemment en déclenchant, à son tour, une guerre contre les bandes de trafiquants. Lui aussi ‘quadrille’ les espaces, ceux notamment des favelas, pour se les réapproprier et tenter de les ‘pacifier’. Certains voient ici d’autres intérêts en jeu, celui notamment de soigner l’image internationale du pays en raison de la tenue de la Coupe du Monde de Football et des Jeux Olympiques (XXXIe Olympiade) qui se dérouleront à Rio de Janeiro respectivement en 2014 et en 2016. Il n’empêche.

retour de la barbarie au XXIe siècle, Paris, Grasset, 2005. Cf. également Wanda CAPELLER, v° « Violence », dans André-Jean ARNAUD (dir.), Dictionnaire de la Globalisation…, op. cit. 66. Sur la démocratie et la violence au Brésil, voir, entre autres, Angelina PERALVA, Violence et démocratie. Le paradoxe brésilien, Paris, Editions Balland, 2001 ; Sérgio ADORNO, « Le monopole étatique de la violence : le Brésil face à l´héritage occidental », dans « Dialogues franco-brésiliens sur la violence et la démocratie », n° spécial de la revue Cultures & Conflits (L’Harmattan), 59/3, 2005, p. 149-174. Voir aussi mon étude sur la répression au Brésil, L’engrenage de la répression. Stratégies sécuritaires et politiques criminelles, op. cit. 67. Cf., par exemple, mon article « La transnationalisation du champ pénal : réflexions sur les mutations du crime et du contrôle », dans Revue Droit et société, n° 35/1997, p. 61-77.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011
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