Droit et société - Relire Giddens - 1 - 114

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

Quel qu’en soit le motif, on observe actuellement un changement radical dans l’action de l’État brésilien, qui en est venu à adopter une position belliciste dans le but de pacifier les espaces urbains. Il a déclenché, en effet, une véritable guerre qui s’opère à l’intérieur des favelas, en utilisant armes lourdes, blindés et hélicoptères. Le peuple ‘carioca’ 68, lui-même, appelle ces zones de guerre : ‘Bagdad’ ! C’est ‘Bagdad’ à Rio de Janeiro ! L’État de Rio de Janeiro – le Brésil est une Fédération – a créé, à ces fins, au sein de la police militaire, des ‘Unités de Police Pacificatrices’ 69 : ce sont des unités de la police militaire destinées à éradiquer les bandes criminelles de ces espaces de guerre. Avec un succès mitigé. On dirait, a contrario, que ces réalités témoignent de l’incapacité dans laquelle se trouvent les États modernes de réaliser une pacification interne. Comment appréhender les effets de la globalisation ? Le sens de la modernité globalisée se trouve-t-il, comme l’était celui de la modernité, dissimulé comme dans une ‘boîte noire’ 70 ? Dans son œuvre de clarification sociologique, Giddens a eu certainement le mérite d’attirer l’attention à la fois sur les ‘effets d’intégration’ et les ‘effets fractionnels’ de la globalisation.

3.3 – Les défis de la sociologie : la compréhension de la globalisation, phénomène associé à la modernité
Alain Touraine affirme que Giddens a une ‘conception classique’ de la modernité ; qu’il donne de la modernité une ‘image fortement intégrée’ ; qu’il la conçoit comme un ‘effort global’ de production et de contrôle basé sur les quatre dimensions majeures que sont le capitalisme, l’industrialisme, l’industrialisation de la guerre et la surveillance. En fait, en reliant ces dimensions à la globalisation, Giddens montre que cet ‘effort global’ devient un processus croissant qui se traduit par quelques traits majeurs, tels que l’émergence des économies planétaires, les nouvelles formes de division internationale du travail, la formation d’un ordre militaire mondial et le renforcement des Étatsnations qui centralisent les systèmes de contrôle.

68. On appelle ‘cariocas’ les habitants de Rio de Janeiro ; c’est un mot indigène qui, d’après la légende, désignait un torrent de Rio où vivait en abondance un petit poisson (acari) dans sa maison de coquillage (c’est-à-dire oca en langue tupi), d’où ‘carioca’. 69. Au début de l’année 2011, il y avait, à Rio de Janeiro, 17 unités de police pacificatrice opérant sur 53 favelas et couvrant une population de 300.000 personnes. La police militaire, au Brésil, relève de chaque État fédératif de l’Union. Dans cette lutte contre la criminalité locale, elle est parfois aidée par des unités des Forces Armées. 70. Les conséquences de la modernité, op. cit., p. 11.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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