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LA MODERNITÉ AVANCÉE

À ses origines, la globalisation 71 fut perçue comme une sorte d’expansionnisme, thème d’ailleurs traité par Marx et d’autres. La première phase de la globalisation, en effet, a été, selon Giddens, celle de l’expansion de l’Occident au travers de ses institutions ; aucune autre civilisation n’a causé tel impact sur le monde en le façonnant à sa propre image. Depuis les années 1930-1940, notamment, à la suite des développements des télécommunications et des transports, ce type de processus s’accroît et s’étend pour arriver aux formes actuelles d’intense planétarisation. Mais, contrairement à d’autres formes de conquête militaire ou culturelle, on y repère des mécanismes de décentration qui coupent les liens avec la tradition. Ces modes de ‘désenchâssement’ 72 se font par le biais de systèmes abstraits. La société post-traditionnelle est ainsi la première ‘société globale’ 73. La globalisation altère l’équilibre entre tradition et modernité, provoquant un phénomène d’abandon de la première (en anglais : ‘detraditionalization’). Cela ne veut pas dire que, dans les sociétés post-traditionnelles, la tradition ait disparu. Au contraire, les traditions ressurgissent de façon florissante ! Dans un univers de valeurs compétitives plurielles, elles peuvent se défendre selon leurs propres critères, ou en opposition à des contextes plus dialogiques, en mettant en avant leurs difficultés de survivre dans un monde de doute radical. Ainsi, dit Giddens, il n’y a aucun mystère dans l’apparition de fondamentalismes ; ils traduisent la « tradition dans son sens traditionnel » 74. La globalisation est également un phénomène dialectique ; elle agit de façon concomitante entre deux ‘pôles’, sur la base d’un processus de distanciation spatio-temporelle. On a beaucoup attiré l’attention, en effet, sur les aspects bipolaires de la globalisation, tels que les ‘globalismes localisés’ et les ‘localismes globalisés’ 75 ou encore ceux plus complexes des formes de ‘glocalisation’ 76. En outre, si le global et le local sont de plus en plus liés, cela se passe souvent d’une façon fractionnelle et éliminatoire pouvant engendrer, par rapport à chaque ‘pôle’, des résultats contradictoires, des ‘effets contraires’. Par exemple, l’intensité de la globalisation économique, politique et culturelle pro71. Concernant le thème de la globalisation, dont la littérature est immense, voir aussi les travaux de Boaventura de SOUSA SANTOS, notamment Toward a New Common Sens. Law, Science and Politics in the Paradigmatic Transition, Routlegde (New York, London), 1995 ; ID., Globalização. Fatalidade ou utopia ?, Porto, Edições Afrontamento, 2001 ; et ceux d’André-Jean ARNAUD, Entre modernité et mondialisation (1998), 2e éd., Paris, LGDJ, 2004 ; ID., Gouvernants sans frontières. Entre mondialisation et post-mondialisation, vol. 2 de la Critique de la raison juridique, LGDJ, Paris, 2003. Selon ce dernier, la globalisation est spécifique de notre ère, et n’a pas existé telle quelle dans l’histoire. 72. Voir infra, section 4 : appréhender les éléments distinctifs de la modernité avancée. 73. Cf. Anthony GIDDENS, « Living in a Post-Traditional Society », dans Urlich BECK, Anthony GIDDENS, Scott LASH (dir.), Reflexive Modernization. Politics, Tradition and Aesthetics in the Modern Social Order, Stanford, California, Stanford University Press, 1994, p. 95 et s. 74. Ibid., p. 100. 75. Cf. Boaventura de SOUSA SANTOS, Toward a New Common Sens, op. cit., notamment ch. 4. Voir aussi l’application de ces concepts au champ pénal dans mon étude « La transnationalisation du champ pénal… », op. cit. 76. Cf. Roland ROBERTSON, « Glocalization : Time-Space Homogeneity-Heterogeneity », dans Mike FEATHERSTONE, Scott LASH, Roland ROBERTSON (dir.), Global Modernities, London, Sage Publications, 1995, p. 25-44.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011
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