Droit et société - Relire Giddens - 1 - 123

LA MODERNITÉ AVANCÉE

Giddens définit la confiance dans ces termes : « Un sentiment de sécurité justifié par la fiabilité d’une personne ou d’un système, dans un cadre circonstanciel donné, et cette sécurité exprime une foi dans la probité ou l’amour d’autrui, ou dans la validité de principes abstraits (le savoir technologique) » 110. S’agissant de la confiance, de la sécurité, du risque et du danger, il fait plusieurs observations complémentaires, à savoir : la confiance est liée à l’absence dans le temps et l’espace ; la confiance est liée, non au risque, mais à la contingence ; la confiance n’est pas la foi dans la fiabilité d’une personne ou d’un système, elle dérive de cette foi, elle est un lien entre la foi et le sentiment de sécurité passif ; on peut parler de confiance par rapport aux systèmes symboliques ou aux systèmes d’experts, mais cela repose sur la foi en la validité de principes que l’on ignore ; le danger et le risque sont liés, mais ils ne sont pas identiques car le risque présuppose le danger mais pas forcément la conscience du danger ; la confiance sert à minimiser les dangers inhérents à certaines activités. Comme Luhmann, Giddens considère que le risque et la confiance sont indissociables. Il montre, par ailleurs, qu’il y a des risques institutionnalisés, pour lesquels on déploie des garde-fous de sécurité, comme l’investissement boursier, les sports physiquement dangereux, etc. Ici, le risque est consciemment calculé, mais on doit toujours compter avec le savoir-faire et le hasard pour limiter les dégâts. Il y a toutefois un équilibre entre confiance et calcul du risque ; la sécurité, elle, se caractérise par une situation où les dangers ont été minimisés. De toute façon, le risque n’est pas uniquement un problème lié à l’action individuelle, on est confronté également à des ‘environnements à risque’ qui frappent collectivement des masses d’individus 111. De la même manière, les nations sont confrontées aux risques et aux dangers plutôt qu’aux ennemis, ce qui représente une colossale mutation de leur nature 112. Est-ce que l’incorporation croissante des connaissances dans la vie sociale pourrait prévenir des risques et des dangers ? Pour apporter un élément de réponse, on reprendra les commentaires d’Alain Eraly lorsqu’il montre que, pour Giddens, cette thèse de l’intégration des savoirs dans le monde social n’entraîne aucunement l’idée d’une augmentation de la maîtrise et de la prévisibilité du monde social. En particulier, dit-il, parce que, pour Giddens, l’appropriation des connaissances n’est pas homogène, mais variable selon les groupes d’intérêt et les rapports de force. En fait, l’impact des conséquences inattendues des actions humaines reste massif et, au demeurant, la réflexivité exclut les possibilités d’un contrôle dans la mesure où elle contribue précisément au caractère instable de la vie sociale 113. Pourtant, la réflexivité est inhérente à l’action humaine. Les individus restent ‘en contact’ avec leurs propres motiva-

110. 111. 112. 113.

Ibid., p. 41. Ibid., p. 42. Cf. Runaway World, op. cit., p. 18. Cf. Alain ERALY, « Réflexivité, pouvoir, idéologie et rapport à soi », dans Michel AUDET et Hamid BOUCHIKHI (dir.), Structuration du social et modernité avancée, op. cit., p. 329-343, plus précisément p. 336.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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