Droit et société - Relire Giddens - 1 - 13

Préface
L’helléniste Jacqueline de Romilly utilisait une magnifique formule pour évoquer ces réflexions qui peuvent apparaître en distance par rapport à ce que sont nos analyses courantes sur le monde qui nous est familier et dont nous avons une perception reçue comme une évidence, soit à partir de nos pratiques, soit à partir des représentations que nous construisons, soit à partir des analyses que nous nous autorisons à faire : la « stratégie du détour », c’est-à-dire celle consistant à se tourner vers d’autres univers, nous dirons ici aussi vers d’autres théories, pour revenir enrichir nos visions sur notre propre monde. L’occasion nous est ainsi offerte d’en renouveler la perception ou le sens qu’il convient de lui donner. Avec cet ouvrage, Wanda Capeller adopte une superbe « stratégie du détour ». Ainsi qu’elle le souligne justement, l’œuvre d’Anthony Giddens a été plutôt ignorée par la science sociale française comme en témoigne la rareté des traductions des écrits de cet auteur. Sans éluder le fait que cette œuvre a fait l’objet de nombreuses critiques et que l’engagement d’Anthony Giddens aux côtés de Tony Blair pour la promotion d’une « Troisième voie » supposée régénérer la doctrine social-démocrate a pu contribuer à une disqualification générale de sa pensée, dont son œuvre théorique elle-même n’est pas sortie indemne, notamment sa théorie de la structuration. Qu’est-ce qui peut alors expliquer une telle intention si peu intellectuellement correcte (pour paraphraser l’expression « politiquement correct ») telle qu’elle se manifeste dans cet ouvrage consacré aux diverses facettes de la pensée d’Anthony Giddens ? Oserons-nous dire qu’il y a d’abord la qualité de la personne. L’auteure de cet ouvrage est riche d’un regard nourri de son origine brésilienne, de ses engagements intellectuels dans une période tragique de son pays natal, de son ouverture au monde où son choix de se tourner vers la France n’exclut pas une insatiable curiosité pour les mondes hispanophone et anglophone. Ses investissements précurseurs sur la globalisation 1 justifient déjà une part de son intérêt pour les analyses d’Anthony Giddens. En effet, celles-ci sont au cœur même de l’œuvre de ce dernier. Il tente d’en dévoiler toutes les facettes, y compris dans les contradictions que le phénomène révèle : comme celles d’un retour de traditions qui ne serait pas incompatible avec le phénomène général de « détraditionnalisation » ; comme celles d’une « globalisation par le bas » qu’il convien1. Dont on a une superbe trace dans ce que fut son investissement dans cette publication majeure sur le sujet : André-Jean ARNAUD (dir.), Dictionnaire de la globalisation. Droit, Science politique, Sciences sociales, LGDJ, Lextenso éditions, 2010 (traduction et adaptation sous la dir. de Wanda CAPELLER).

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011
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