Droit et société - Relire Giddens - 1 - 136

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

ment dit, le ‘Workfare’ doit se substituer au ‘Welfare’, c’est-à-dire que l’on doit aller vers ce que Giddens appelle une société de ‘Welfare positif’ 48. Là dessus, des critiques acerbes ont été adressées à Giddens, notamment en France, où certains affirment que ces thèses concernant le nouveau rôle de l’État ne peuvent pas marcher dans des sociétés où il existe une forte culture étatique, car l’État pourrait parvenir à se désengager au profit du marché, mais sans se réformer au profit du citoyen 49. Pourtant, Giddens soutient l’urgence d’un nouveau contrat entre l’État et les citoyens. Le projet politique de la ‘Troisième voie’ peut piloter les citoyens à travers les révolutions silencieuses de notre époque qui se manifestent par le biais de la globalisation, des transformations des modes de vie et de la relation qu’entretiennent les individus avec leur environnement politique, social, naturel. Ce pilotage peut se faire par une action politique renouvelée, du fait qu’elle a été dévalorisée par la résonance des attaques néolibérales contre le rôle du gouvernement dans la vie économique et sociale. Les thèmes de la fin du politique et de la submersion de l’État par le marché global ont acquis une telle force, récemment, qu’il faut rappeler les missions que Giddens attribue aux gouvernements dans le monde contemporain : la promotion des moyens pour la représentation des divers intérêts et la constitution d’un forum pour la conciliation de revendications concurrentes de ces intérêts ; la création et la protection d’une sphère publique ouverte, dans laquelle un débat non restreint sur les questions politiques puisse être développé ; la garantie de la diversité des biens publics, parmi lesquels se trouvent les formes de sécurité collective et de bienêtre social. Les gouvernements doivent également s’occuper de la régulation des marchés dans l’intérêt public, tout en suscitant la compétition lorsque ces derniers sont menacés de monopole ; ils ont aussi un rôle éminemment économique, par lequel ils interviennent dans ce domaine en créant emplois et infrastructures. Par ailleurs, ils doivent promouvoir la paix sociale par le contrôle de la violence, en assurant à l’action policière les moyens d’être efficace avec la garantie d’un bon fonctionnement du système judiciaire. Le développement actif du capital humain par le biais du système éducationnel est aussi une tâche essentielle des gouvernements. Dans ce contexte, ceux-ci doivent encore concrétiser des alliances régionales et transnationales, dans la quête d’une réalisation d’objectifs au niveau global. Pour Giddens, les gouvernements doivent – quoique cela demeure plus polémique – porter un ‘projet de civilisation’ reflétant des valeurs et des normes largement consensuelles, mais qu’ils ont aussi pour tâche de modeler (il parle surtout du système éducationnel). Sur ce dernier point, aujourd’hui, dans le contexte des sociétés multiethniques et multiculturelles, cette proposition est controversée 50. Ainsi Giddens réaffirme l’importance de l’État. S’il existe une juxtaposition de la sphère étatique avec la sphère non étatique, l’idée que l’État et le gouver48. GIDDENS, A terceira via : Reflexões sobre o impasse politico atual..., op. cit., p. 121. 49. Cf. encore Zaki LAÏDI, op. cit. 50. GIDDENS, The Third Way, chapitre 2. Cf. A terceira via. Reflexões sobre o impasse político atual..., op cit., p. 57.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

134

Droit et société - Relire Giddens - 1

Table des matières de la publication Droit et société - Relire Giddens - 1