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LA TROISIÈME VOIE

technologique, l’éclatement de la famille traditionnelle, l’individualisation des modes de vie, etc., peuvent expliquer l’obsolescence de l’État-providence traditionnel. D’où l’erreur, selon Antoine Colombani, de ceux qui défendent une stratégie de ‘résistance’ à la globalisation, car elle s’est intégrée à notre vie quotidienne et à nos modes de vie en élargissant la palette des choix individuels 85. Les réponses à ces problèmes appellent une politique radicale, dont la légitimation réside précisément dans ces transformations qui ont bouleversé le compromis des ‘Trente glorieuses’. Pour Giddens, si l’on s’attache aux idées d’Habermas et de Derrida, pour lesquels, dans une société de marché, ‘les garanties sociales’ et ‘le pouvoir civilisateur’ doivent être assurés par l’État, force est de constater que les acteurs doivent se plier à une remise en cause des fondements sur lesquels se sont construits les modèles socialisants de protection sociale. Est-ce que l’Europe est en mesure de conjurer le sort d’un déclassement économique et social 86 ? Quelle doit être, quelle peut être la part de la réglementation dans un monde globalisé ? Quelle doit être la part du marché 87 ? Héritier de Beveridge 88, Giddens va reformuler la pensée du Maître. Dans les années 1940-1950, l’intervention étatique combattait cinq ‘grands maux’ : la maladie, l’ignorance, le besoin, la misère, l’oisiveté. Pour y parvenir, l’État s’organisa, à l’époque, sur la base de trois grands principes, les trois ‘U’ : l’Universalité (couverture sociale pour tous), l’Uniformité (aide identique pour tous), l’Unicité (administration gestionnaire unique). Ce modèle, construit en opposition à la fois au communisme soviétique et au libéralisme américain, va se confronter avec les mutations survenues en Europe, après 1989. L’État, depuis, n’est plus capable de répondre aux demandes sociales selon le principe des trois ‘U’. Il doit se réformer pour pouvoir continuer à investir et à réguler avec des visées positives ; il doit s’orienter vers une ‘protection sociale positive’ : faute de pouvoir combattre la maladie, il devra promouvoir la ‘santé active’ ; faute de pouvoir éliminer l’ignorance, il devra augmenter le niveau en matière d’éducation ; faute de pouvoir éradiquer la misère, il devra inciter à l’autonomie et à la responsabilité. De même, s’il ne peut pas lutter contre l’oisiveté, il soutiendra l’initiative 89. Actuellement, en Europe, le modèle social peut se traduire par la formule ‘ni- ni- ni’ : ni un modèle, car il est un assemblage disparate ; ni social, car il repose d’abord sur un projet économique ; ni européen, car d’autres pays, comme le Canada, ont adopté les mêmes principes d’un État qui, dans le souci de limiter les inégalités, intervient socialement avec des niveaux relativement élevés de prélèvements obligatoires. En revanche, ce modèle reste inconnu dans certains pays qui, aujourd’hui, sont membres de l’UE. En réalité, le système
85. Antoine COLOMBANI, Giddens et l’avenir du modèle social européen, op. cit. 86. Cf. « Anthony Giddens. Le grand sociologue anglais critique une ‘gauche française conservatrice’ », op. cit. 87. Cf. « Anthony Giddens : l’inspirateur », dans John CROWLEY (dir.), Tony Blair, le nouveau travaillisme et la troisième voie, op. cit., p. 48 et s. 88. Tous deux ont dirigé la prestigieuse London School of Economics à Londres. 89. Voir Julien DAMON, « Vues néo-blairistes sur le modèle social européen », loc. cit.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011
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