Droit et société - Relire Giddens - 1 - 16

RELIRE GIDDENS.. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

grands domaines de l’intervention publique…ou de grands débats d’opinion promus par les médias. À cet égard, il est significatif que Wanda Capeller vienne de la criminologie, de la sociologie pénale, de la sociologie du droit, c’est-à-dire de spécialisations qui ont été parmi les plus assignées dans un statut ancillaire, comme, instruments de gouvernement. Or, cet investissement opéré par l’auteure dans la pensée d’Anthony Giddens marque une rupture, une volonté d’autonomisation de la connaissance de science sociale par rapport à ce qui la détermine socialement et politiquement. Il illustre de façon exemplaire ce qui s’observe de plus en plus actuellement, c’est-à-dire un retour aux grands auteurs, à la pensée des figures fondatrices de la sociologie pour se pencher, comme tentaient de le faire ces derniers face aux mutations provoquées par la Révolution industrielle, aux défis auxquels sont confrontées nos sociétés contemporaines. Si Wanda Capeller se penche avec jubilation dans les réflexions d’Anthony Giddens sur la modernité et sur ses liens avec la globalisation, si elle se livre à une sorte d’exégèse de sa notion de « modernité avancée » 7, c’est qu’elle y cherche là : des clefs explicatives aux transformations actuelles dont la spécificité tient au changement d’échelle de l’espace concerné, des outils théoriques dont nombre de chercheurs poursuivent actuellement la quête en retournant aux pensées fondatrices et aux théories du changement qu’elles contiennent. Elle se situe ainsi délibérément dans le prolongement de la conviction d’Anthony Giddens suivant laquelle « la sociologie se doit de comprendre et d’expliquer les phénomènes qui caractérisent la modernité avancée du XXIe siècle » (p. 23) et concevoir une « sociologie du futur ». Pour nous en tenir à un domaine de connaissance qui est principalement le nôtre : celui de la sociologie du droit, la question n’est plus de savoir comment améliorer la production et la réception du droit, elle n’est plus seulement de prétendre à une théorie du droit sur lui-même, elle est de se saisir du droit, de ses diverses expressions, de ses multiples mises en œuvre, comme un exceptionnel révélateur, dont l’observation est susceptible de contribuer à des théories de la société et de ses transformations. Ceci explique d’ailleurs que Wanda Capeller adhère volontiers à une orientation dans laquelle, depuis un certain nombre d’années, nous inscrivons nous-même nos travaux : celle d’une sociologie politique du droit. Elle considère en effet « une sociologie juridique qui tend à devenir, au fil des ans, de plus en plus, une sociologie politique du droit » (p. 202), ceci pour estimer que l’importance qu’Anthony Giddens accorde par exemple aux mouvements sociaux, à l’expertise, aux réformes ou aux processus d’élaboration des politiques publiques sont autant d’occasions de travailler la dimension politique d’une sociologie du droit et de faire en sorte que la théorie de la structuration soit sollicitée pour contribuer au renouvellement de cette sociologie spécialisée ainsi articulée au politique.
7. L’ampleur des mutations de nos sociétés contemporaines se mesure ici à la floraison de qualificatifs divers pour les signifier. Rappelons seulement que la « modernité avancée » d’Anthony Giddens, dont Wanda Capeller justifie le choix, notamment par rapport à celui de « postmodernité », fait ainsi écho à la « seconde modernité » d’Ulrich BECK (La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Aubier, Paris., 2001) ou encore à la « société liquide » de Zygmunt BAUMAN (Liquid Society, Cambridge Polity Press, Cambridge, 2000).

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

14
Droit et société - Relire Giddens - 1

Table des matières de la publication Droit et société - Relire Giddens - 1
