Droit et société - Relire Giddens - 1 - 189

NOUVELLES POLITIQUES DU CLIMAT

les politiques publiques à mettre en œuvre et les exigences de ‘la’ politique (‘politicienne’, dirait-on, en France). Précisément, le politicien revient en scène : un concept comme celui de ‘radicalisme centriste’ est, selon Giddens, essentiel en matière de changement climatique. Cela signifie avant tout le rassemblement du plus grand nombre de gens possible en vue d’actions radicales qui ne peuvent provenir que d’une conjonction entre l’innovation et une pensée à long terme. Cela implique une véritable réforme de l’État. En effet, dans une matière où le long terme est incontournable si l’on veut trouver des solutions réelles, un contexte ‘gauchedroite’ – il le répète – n’a pas de sens. Pour lui, il convient de parvenir à un ‘concordat politique’ 150, trans-partis (cross-party), une formule incontournable et irremplaçable que connaissent, d’ailleurs, des pays comme le Danemark ou le Japon. C’est jusqu’à la vision traditionnelle du libéralisme dont Giddens propose la relecture. La vision classique qu’a le libéralisme des droits et des responsabilités des individus permet à toute personne de poursuivre les buts qui lui conviennent aussi longtemps qu’ils n’entravent pas ceux des autres. Mais l’État libéral n’a pas étendu ce principe jusqu’aux questions des biens environnementaux, ni du réchauffement qu’il convient d’éviter aux générations futures. Droits et responsabilités liées à l’environnement 151 doivent être introduits dans les démocraties libérales au même titre que le droit de vote, l’égalité devant la loi, la liberté d’expression, la liberté de rassemblement. S’appuyant sur un ouvrage qui défend un ‘État vert’ 152, Giddens propose l’inclusion, dans les constitutions démocratiques et sous la responsabilité des gouvernements, des ‘générations futures’ et des ‘espèces non humaines’ comme ‘référents moraux’ ; le droit de connaître la législation sur les matières polluantes et toxiques ; l’organisation de forums lorsque les nouvelles technologies ou les propositions de développement peuvent avoir un impact sur l’environnement ; le droit, pour les ONG, de se constituer tierces parties dans les litiges en la matière ; la reconnaissance du principe ‘pays pollueur’, avec les sanctions qui s’imposent à l’endroit de ceux qui causeraient un réchauffement planétaire ; l’obligation, pour les citoyens, les entreprises et les associations, non seulement de prévenir des actes destructeurs, mais aussi d’agir comme agents ‘positifs’ du changement environnemental. Tout cela, avait précisé Giddens dès le début, ne signifie pas que les mesures prises selon un tel modèle seront populaires. Il y aura des résistances. Des intérêts puissants se sentiront menacés. Il faut y faire face et anticiper 153. Cela mettra du temps et le prix en sera élevé. Mais un autre monde nous attend et nous devons en trouver le chemin. Et de conclure sur une note mêlant l’espoir à la crainte devant la complexité du problème. Il parle de ‘pouvoir’ : notre civili150. The Politics of Climate Change, op. cit., p. 113-117. 151. Ibid., p. 118. 152. Robyn ECKERSLEY, The Green State, Cambridge, MA, MIT Press, 2004, p. 243-245. Cependant, l’auteur adopte le principe de précaution que Giddens, lui, a retiré de la liste qui suit (The Politics of Climate Change, op. cit., p. 117-125). 153. The Politics of Climate Change, op. cit., p. 12.

187

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

Droit et société - Relire Giddens - 1

Table des matières de la publication Droit et société - Relire Giddens - 1