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CONCLUSION

il rejette le programme de ‘grounding critical theory’ 22. Toutefois, il est intéressant de constater que l’on peut rapprocher ses thèses d’une éthique de la décence, de la reconnaissance, du respect. En effet, au cœur de la théorie critique, Giddens place l’éthique. La dimension morale et éthique est inhérente à la théorie critique. Pourquoi, en effet, l’éthique serait-elle jetée en dehors d’une argumentation régie par le doute méthodique ? Reconnaître que les ‘faits’ et les ‘valeurs’ sont enchevêtrés permet de réintroduire les jugements de valeur à l’intérieur de l’argumentation, elle-même fondée sur le doute méthodique 23. Il réfute ainsi les théories nihilistes de la haute modernité qu’il associe aux penseurs post-modernistes, lesquels sapent l’éthique. Les enjeux éthiques, aujourd’hui, ont acquis une portée globale qui dépasse les questions locales ou contextuelles ; ils concernent désormais tant la vie quotidienne que l’ensemble de la planète 24. Ainsi, entre le nihilisme et les théories qui expliquent de manière sûre le passé, le présent et l’avenir, cet auteur plaide-t-il pour une réflexion critique susceptible de réintégrer des valeurs et de l’éthique dans la réflexion sur le social. Il encourage donc les scientifiques du social à suivre cette voie 25. À partir de là, comment Giddens conçoit-il la théorie critique ? Il affirme que ce n’est qu’après l’éclatement de la pensée ‘orthodoxe’ en sciences sociales que les scientifiques de ce champ ont pu prêter attention à la théorie critique de l’École de Francfort qui s’était développée à l’extérieur du corps principal des sciences sociales 26. Cela a été essentiel pour le renouvellement de ces sciences qui ne pouvaient plus se contenter d’une conception ‘technique’ de la critique telle que celle qui était proposée par la pensée orthodoxe sur la base du modèle des sciences de la nature. Selon cette vision, la ‘critique interne’ des sciences sociales – voire les évaluations critiques que s’adressent les scientifiques – engendre sans difficulté une ‘critique externe’ des croyances populaires, créant ainsi les conditions propres à permettre une intervention, tant politique que sociologique, dans le monde social 27. Or, les choses sont plus complexes. Si l’on prend en compte la ‘double herméneutique’, on verra que, dans le courant de la vie sociale, des théories potentiellement pratiques qui contribuent à la constitution de la société – les théories en usage –, ne se distinguent pas nettement des idées que peuvent avoir les acteurs ‘ordinaires’. Cela a des répercussions sur la recherche empirique, la formulation des théories et leur réception sociale. Par ailleurs, les manières dont les théories sociales s’insèrent dans le social modifient les conditions de leur
22. Giddens affirme : « I don’t really think that I support any programme of trying to ground critical theory, but nor will I support the opposite, that is the idea of a purely immanent critique or undergroundable form of critique » : cf. « Historical Materialism Today : An Interview with Anthony Giddens », dans Theory, Culture & Society, Nb. 1, 1982, p. 72, apud Richard BERSNTEIN, « Social Theory as Critical », dans David HELD et John THOMPSON (org.) Social Theory of Modern Societies. Anthony Giddens and his Critics, op. cit., p. 30. 23. Ibid., eod. loc. 24. Ibid., p. 33. 25. Cf. Michel AUDET, « Introduction », dans Structuration du social et modernité avancée, op. cit., p. 4. 26. La constitution de la société, op. cit., p. 25. 27. Ibid., p. 45.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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