Droit et société - Relire Giddens - 1 - 199

CONCLUSION

d’application de la violence, ou des productions de discours spécifiques (ceux des tribunaux, des instances d’instruction, etc.) 45. Giddens, lui non plus, n’a pas traité l’objet droit en tant que tel ; il n’a pas investi une théorie du droit. On dirait même, en le lisant, qu’il est indifférent au phénomène juridique. On peut se demander toutefois si les thèses qu’il soutient ne se relient pas, d’une certaine manière, au droit. Ne peuvent-elles, à leur façon, contribuer à la découverte des ‘réalités juridiques’ ? On retiendra, ici, deux hypothèses : celle d’un apport problématique au droit lui-même et celle d’un apport utile à une sociologie du droit, qui, en France, a pris, pour partie, une orientation affirmée vers une sociologie politique du droit 46. 6.2.1 – Un apport problématique au droit Ce ne sont pas seulement les philosophes et les sociologues du droit, mais également les chercheurs qui s’insèrent dans le champ de la déviance, du crime et du contrôle, qui peuvent trouver, dans l’immense production scientifique de Giddens, des éléments intéressants pour leur réflexion 47. L’étude de la déviance est, pour lui, l’un des domaines les plus fascinants et complexes de la sociologie. Il y intègre les questions liées au ‘pouvoir social’, aux classes sociales – « la division entre riches et pauvres » 48 –, ce qui est pour le moins bizarre. Ne voulait-il pas en finir avec les ‘classes sociales’, au sens marxiste, c’est-à-dire en tant que foyer de conflits sociaux ? Aussi, nous sommes tous, à la fois, conformistes, ‘briseurs de normes’ et ‘créateurs de normes’. Dans sa vision de la déviance, Giddens annonce des influences multiples et variées (du marxisme, de Foucault, de Goffman, de Becker, etc.), en mettant l’accent sur les conditions de sa réalisation au plan pratique du non-conformisme aux normes 49. En fait, Giddens parle en termes de ‘composants normatifs de l’interaction’. Ces ‘composants normatifs’ se focalisent principalement sur les droits et les obligations ‘attendues’ de la part des individus qui agissent dans des contextes d’interaction. Cela se configure comme une relation asymétrique. S’agissant des lois et des codes formels de conduite, ces derniers prétendent à une symétrie entre droits et devoirs, les uns justifiant les autres et vice-versa. Mais, en pratique, les choses ne se passent pas comme cela, cette symétrie n’existe pas. Ici, Giddens dénonce le ‘fonctionnalisme normatif’ et le ‘structuralisme marxiste’ – celui d’Althusser notamment – qui, selon lui, ont exagéré le degré d’intériorisation des normes par les individus. En outre, ces théories n’ont pas reconnu la ‘compétence’ des acteurs sociaux et le fait que ces derniers contrôlent de façon réflexive le cours de leurs interactions 50.
45. Cf. Pierre GUIBENTIF, Foucault, Luhmann, Habermas, Bourdieu. Une génération repense le droit, op. cit., p. 73. Concernant le droit dans la théorie sociale, voir, entre autres, Juan Antonio GARCIA AMADO (org.), El Derecho en la Teoria Social, IISJ, Dykinson, Madrid, 2001. 46. Cf. Jacques COMMAILLE et Patrice DURAN, « Pour une sociologie politique du droit », dossiers de la revue L’année sociologique, vol. 59/1 et 59/2, 2009. 47. Cf. GIDDENS, Sociology, Cambridge, Polity Press, 3th ed., 1997, p. 171 sq. 48. Ibid., p. 173. 49. Ibid., eod. loc. 50. Cf. La constitution de la société, op. cit., p. 79-80.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011
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