Droit et société - Relire Giddens - 1 - 202

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

ment nouveau, celui de la formation de tribunaux populaires dans les favelas de São Paulo et de Rio de Janeiro, organisés par des bandes criminelles liées au trafic des drogues. Ces tribunaux appliquent à ceux qui ne respectent pas les règles imposées par les criminels des sanctions informelles qui se traduisent souvent par l’application de la peine de mort. On dirait – et c’est dommage – que Giddens n’a pas pris au sérieux le phénomène juridico-normatif. Les sanctions non plus. Cette remarque, nous l’avons faite également à Jean-Michel Berthelot lorsqu’il a délibérément écarté le phénomène juridique de son analyse d’un espace épistémique commun aux sciences sociales. Les ‘sciences juridiques’, disait-il, font une part importante au jugement normatif et à ses fondements et, dans ce domaine, la perspective traditionnelle des sciences sociales est différente, ces dernières cherchant à expliquer les facteurs qui déterminent un univers normatif et à comprendre les raisons qu’ont les acteurs d’y adhérer 64. Le droit, en effet, doté d’une double nature normative et sociale, est un phénomène complexe. Mais que dire alors de la sociologie du droit ? Jacques Commaille et Patrice Duran ont observé qu’elle aussi est exclue des textes de présentation des grands courants de la sociologie française, et cela, selon eux, parce qu’elle serait conçue, en France, comme ‘une science pratique au service du droit’ 65. Pourtant, la sociologie du droit s’enracine dans la sociologie générale. Et ces auteurs de poursuivre : « Si l’ambition de la sociologie, quelles que soient les méthodologies utilisées, est de rendre compte des conduites sociales, comment pourraitelle ne pas accorder aux règles une attention toute particulière » 66. On retiendra cet argument, pour montrer l’apport de la théorie de la structuration à la sociologie du droit. 6.2.2 – Un ‘apport utile’ à la sociologie du droit Les sociologues du droit sont à la recherche de méthodes pour la sociologie du droit et de la justice 67. Ils s’interrogent sur les voies qui – après qu’on se soit débarrassé d’une vision qui accorde au droit une ‘nature particulière qui justifierait une analyse ad hoc’, et également de celle qui y voit un ‘reflet des pratiques sociales’– pourraient s’avérer fructueuses. Les spécialistes de ce champ insistent sur l’idée, déjà formulée, comme on l’a dit, par Claude LéviStrauss 68, que le droit est partout. Ils veulent l’examiner à partir de la diversité des formes sous lesquelles on peut l’appréhender dans la vie sociale, sans se limiter aux institutions ou aux professions juridiques, mais en englobant nom-

64. Cf. Jean- Michel BERTHELOT, Épistémologie des sciences sociales, Paris, PUF, 2001, p. 12. Sur ce débat, voir Wanda CAPELLER, « Comment les sciences du social se pensent-elles ? », dans revue Droit et Société, n° 53, 2003, p. 215-228. 65. Cf. la ‘Présentation’ de « Pour une sociologie politique du droit (1) », op. cit., vol. 59/1, p. 11. 66. Ibid., eod. loc. 67. Comme en témoigne le dossier organisé par Liora ISRAEL et Martine KALUSZYNSKI, « Quelles méthodes pour la sociologie du droit et de la justice ? », dans revue Droit et Société, n° 69-70, 2008. 68. Cf. supra, note 44.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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