Droit et société - Relire Giddens - 1 - 30

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

la sociologie doit s’approprier et se réapproprier les évolutions sociales ; le sociologue doit assumer son rôle de ‘messager’ car, aussitôt qu’elle est formulée, la pensée sociale retourne vers les milieux d’où elle provient, réintégrant de manière récursive les situations dont elle s’est emparée. Étant donné que la vie sociale traverse toutes les sciences sociales et humaines, la sociologie ne se relie à aucune discipline ; elle ne peut se contenter d’une théorie sociale unifiée. En la matière, une vision consensuelle est un leurre, car l’absence de consensus est inhérente à la nature même des sciences sociales 4. Dès lors, des réponses s’imposent à nombre de questions qui surgissent. Dans quel terreau la sociologie s’enracine-t-elle, et quelles traces porte-t-elle d’une époque révolue (1) ? Quelles ‘thèses’ pour une sociologie de l’avenir ? (2). En répondant à ces interrogations, Giddens amorce une approche vraiment nouvelle, celle de la structuration 5 (3), une théorie qui dispose d’une véritable force opérationnelle, et pour l’illustration de laquelle on appellera en renfort un certain nombre d’exemples (4), ce qui nous conduira à un bref examen de quelques-unes des critiques majeures qui lui ont été adressées (5).

1.1 – Dans quel terreau la sociologie s’enracine-t-elle ?
L’unité des sciences sociales s’est faite autour d’un ‘consensus orthodoxe’ qui, tout au long du XXe siècle, a dominé l’univers scientifique. Ce consensus a été fondé sur trois conceptions, le naturalisme, la causalité sociale et le fonctionnalisme. Le naturalisme a permis de concevoir la structure logique des ces sciences par analogie avec les problèmes rencontrés en sciences naturelles. Ce modèle, essentiellement empiriste, voulait faire de la sociologie une science aspirant à la création de systèmes de lois explicatives de nature déductive 6. Pour le modèle causal, si les individus semblent savoir pourquoi ils agissent, ils sont néanmoins tenus par des causes dont ils n’ont pas conscience. Les sciences sociales devraient révéler les formes de cette causalité sociale, ignorées par les acteurs. Quant au fonctionnalisme, les notions de systèmes issues du modèle biologique et modifiées par l’avènement de la cybernétique ont été, par ses tenants, déjà, considérées comme fondamentales pour l’analyse sociale 7. Ce consensus n’existe plus. Si le naturalisme a historiquement séduit les sociologues, il n’est plus admissible du point de vue scientifique. Les sciences naturelles, comme le montrent les courants récents de la philosophie de la
4. Anthony GIDDENS, Jonathan TURNER (org.), « Introduction », dans Teoria Social Hoje, São Paulo, Ed. UNESP, 1999 (trad. en langue portugaise de Social Theory Today, op. cit., par Gilson César Cardoso de Sousa. Giddens ayant été beaucoup traduit à l’étranger, il arrivera que l’on fasse des renvois à ces publications, la comparaison entre des versions publiées en diverses langues permettant de mieux saisir la portée de la pensée de cet auteur). Présentée plus tard de façon plus achevée, comme on le disait en commençant, dans son livre La constitution de la société, op. cit. Deux ouvrages majeurs marquent cette période : Capitalism and modern social theory. An analysis of the writings of Marx, Durkheim and Max Weber, Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1971, et New rules of sociological method…, op. cit. In Defence of Sociology, op. cit., ch. 3. Cf. Em defesa da sociologia, op. cit., p. 101. Ibid., p. 98.

6. 7.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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