Droit et société - Relire Giddens - 1 - 40

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

dernité ? quelles furent ses origines ? quelles sont les transformations majeures qui influencent les trajectoires du développement de l’histoire mondiale ? On doit travailler sur ces problèmes compliqués de théorie et d’empirie. Leur solution est liée à l’analyse de la nature récursive de la vie sociale. Il y aura aussi, en pratique, une implication profonde de la sociologie dans la formation des politiques nécessaires aux réformes sociales. C’est sa septième thèse. Dans la mesure où les marchés sont considérés comme propres à fournir la distribution à la fois la plus économique rationnellement et optimale moralement, le rôle des recherches sur la société et de la pensée sociologique est sensiblement affaibli par rapport à la politique sociale. Mais les marchés ne sont pas omniscients, et les politiques gouvernementales basées dessus ne sont pas durables. Giddens invite à repenser la relation entre sociologie et politique sociale à la lumière des changements qu’il a relevés dans sa conception de la nature de la sociologie elle-même. Le développement de la sociologie dans l’après Seconde Guerre Mondiale s’est fondé sur l’idée que la recherche sociale systématique pourrait contribuer directement à un apport en ce qui concerne l’ordre social souhaitable. La prolifération de la science sociale correspondait au rôle changeant du mode de gouverner avec le développement de l’État-providence et de l’interventionnisme. Chez les chercheurs non marxistes, au moins, on attendait de la recherche en sociologie, en science politique et en économie, qu’elle informe ceux qui étaient en charge des politiques publiques et de l’administration. Mais la recherche tend alors à devenir instrumentale, avec cette finalité pratique de contrôler l’organisation sociale et le changement social. Il ne fait pas de doute que la recherche sociologique a joué un rôle significatif dans la détermination des objectifs ‘policy-making’ ; une masse de travaux (‘implementation analysis’) a été dédié à l’analyse de problèmes accouplant la recherche à des impératifs pratiques. Encore faut-il que la recherche demeure ‘neutre’ pour ce qui touche à son interprétation et les difficultés qu’il y a à en utiliser les résultats. Une conception différente peut être développée si l’on passe de la notion de ‘contrôle’ à un ‘modèle dialogique’, selon lequel les formes les plus efficientes de lien entre recherche sociale et ‘policy-making’ peuvent se forger, notamment à travers un processus étendu de communication entre chercheurs, preneurs de décision en matière de politiques publiques, et ceux qui sont affectées par ce qui en résultera. C’est un modèle qui renverse la perspective traditionnelle, la primauté étant donnée à la recherche par rapport à la formulation des objectifs de politiques publiques. Dans un monde qui change si rapidement, la recherche en continu permet de suivre l’urgence des pratiques et de fournir des cadres pour tenter d’y répondre. Il y a trois conditions pour que cela marche : d’une part, la recherche en sciences sociales ne doit pas être seulement ‘une recherche appliquée’, sur un sujet donné. Mais elle doit être liée à la capacité de persuader les acteurs de développer ou de modifier leurs connaissances pour organiser leurs contextes d’action ; d’autre part, on doit affirmer que le couplage de la ‘mediation of cultural settings’ avec l’innovation culturelle est aussi important pour les résultats pratiques de la recherche en sciences sociales que l’établissement de généralisa-

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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