Droit et société - Relire Giddens - 1 - 54

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

1.3 – La force agissante de la théorie de la structuration
En France, la théorie de la structuration, si elle n’a pas vraiment percé au plan de la recherche empirique 117, a suscité, néanmoins, une forte curiosité de la part des chercheurs spécialisés dans les divers champs des sciences sociales ; ils y ont puisé pour innover leurs problématiques. À titre d’exemple, on verra brièvement comment cette théorie a été sollicitée par quelques auteurs français, pour renouveler quelques thématiques, notamment celles des interactions sociales, de la structuration des organisations, des technologies de l’information et de la communication (TIC), des systèmes de contrôle social, ou encore pour des travaux concernant la notion de temps. On trouve ainsi quelques contributions d’auteurs français qui se sont intéressés très tôt aux thèses de Giddens 118. On portera une attention particulière à la réflexion de Michel Maffesoli 119 dans la mesure où elle se réfère plus spécifiquement à des aspects de la théorie de la structuration. Dans son analyse des espaces de socialité, cet auteur signale le lien étroit, établi par cette théorie, entre l’espace et le quotidien. Cela a permis de tenir compte de l’organisation corporelle et spatiale des activités sociales et de concevoir des contextes de coprésence où les relations prennent la forme de ‘rencontres’. Il se réfère à la « belle expression » de Giddens, qui parle de ‘rencontres’ comme d’épisodes régionalisés de courte durée 120. En élargissant l’idée à sa propre ‘dialectique masse-tribu’, il examine ce type d’interaction dans les villes contemporaines en insistant alors sur les aspects de tensions, de conflits et d’agressivités. Maffesoli conçoit la ‘masse’ comme étant le ‘pôle englobant’, et la ‘tribu’ comme celui des ‘cristallisations particulières’ dans un cadre où toute la vie sociale s’organise autour de ces deux pôles en mouvement – mouvement plus ou moins rapide, plus ou moins intense, plus ou moins ‘stressant’, selon les lieux et les gens. Pour lui, les épisodes régionalisés et ‘l’éthique de l’instant’ induits par ce mouvement sans fin permettent de réconcilier la statique (espaces, structures) et la dynamique (histoires, discontinuités) que l’on pose ordinairement comme antinomiques 121. Fort intéressantes, ces réflexions sur les épisodes régionalisés, conçus comme espaces de tension et de conflits sociaux, permettent également une compréhension innovée d’un phénomène qui, aujourd’hui, interroge les socié-

117. Cf. Philippe CORCUFF, op. cit., p. 54. Concernant la recherche, cet auteur cite celle de JeanFrançois Bayart et ses analyses de sociologie politique sur l’Afrique. 118. Cf. Michel AUDET et Hamid BOUCHIKHI (dir.), Structuration du social et modernité avancée. Autour de travaux d’Anthony Giddens, Les Presses de l’Université de Laval, 1993. Cet ouvrage réunit les textes discutés dans le Colloque « Structuration du social et modernité », réalisé au Centre culturel international de Cerisy-la- Salle, du 11 au 18 juillet 1991. 119. Cf. Michel MAFFESOLI, « Le quotidien et le local comme espaces de la socialité », dans Michel AUDET et Hamid BOUCHIKHI (dir.), Structuration du social et modernité avancée…, op. cit., p. 203-218. D’autres auteurs français y ont contribué, comme Daniel BERTAUX et Nicole RAMOGNINO, sur le thème de la ‘modernité avancée’, dont on traitera infra, dans le ch. 3. 120. Ibid., p. 205. 121. Ibid., eod. loc.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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