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RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

préalable à la vérité 14. En substituant Nietzsche à Marx, Foucault va centrer son analyse sur la prison et l’asile en tant que lieux privilégiés de l’exercice d’un pouvoir omniprésent ; il négligera l’usine et les locaux de production. La prison, vue comme lieu par excellence de l’exercice du pouvoir disciplinaire, mène Foucault à pénétrer ce type d’institution pour y examiner les pratiques qui s’y installent, permettant son prolongement. Dans son livre Surveiller et punir, il reconstitue la nature du pouvoir disciplinaire, apparu avec la modernité, et qui a évolué de façon concomitante avec d’autres institutions de cette époque 15. Le pouvoir disciplinaire s’exerce à travers son invisibilité 16 ; il exige la mise en place de nouvelles technologies ; il a besoin de l’accord de ceux qui le subissent, ce consentement faisant partie de son mode de fonctionnement 17. La surveillance devient permanente, elle est un mécanisme essentiel de ce type de pouvoir, elle est la face visible de son invisibilité. Par conséquent, les individus sont constamment ‘contrôlés’ et ‘observés’, la discipline s’imposant de l’extérieur par la régularité des conduites des ‘corps dociles’ 18. Ce que Giddens relève, c’est que la vision foucaldienne de l’institution totale implique l’analyse de la répartition et de l’agencement de l’espace- temps ; qu’elle incite à penser le ‘quadrillage’ de l’espace-temps. 2.1.1 – L’espace-temps au fondement du pouvoir Dans son texte « Note critique : le chronométrage et la spatialisation selon Foucault » 19, Giddens affirme que la contribution de Foucault à la théorie du pouvoir est la plus significative depuis les textes classiques de Max Weber sur la bureaucratie. Il ne souhaite pas, dit-il, évaluer la justesse des thèses de Foucault sur le plan historique, ni aborder les impasses qui résultent de son orientation théorique générale, mais simplement commenter l’interprétation foucaldienne de la relation entre pouvoir disciplinaire et les modalités du temps et de l’espace. Il revient alors sur l’argument de Foucault selon lequel la prison et l’asile pour malades mentaux incarnent par excellence l’organisation disciplinaire, constituant ainsi une ‘institution complète et austère’ dans laquelle la discipline ne s’interrompt pas avant d’avoir totalement achevé son œuvre. Ce type d’institution, sans extérieur ni lacune, permet une discipline qui agit sur l’individu de manière incessante, déployant sur les enfermés un pouvoir total. Pour Foucault, la prison, avec ses mécanismes internes de répression et de châtiment,
14. Cf. Anthony GIDDENS, La constitution de la société, op. cit., p. 319. 15. Cf. Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975 ; voir encore Pierre GUIBENTIF, op. cit., p. 45. 16. II est intéressant de voir que, là-dessus, Giddens établit un lien étroit entre les idées en apparence disparates de Foucault et Goffman car, selon lui, ces deux auteurs accordent une grande importance aux frontières socialement et historiquement fluctuantes qui séparent l’opacité et la transparence, l’invisibilité et la visibilité, la dissimulation et la divulgation. Cf. Anthony GIDDENS, La constitution de la société, op. cit., p. 36. 17. Cf. Anthony GIDDENS, « Foucault, Nietzsche e Marx », dans Politica, Sociologia e Teoria Social, op. cit., p. 318. 18. Ibid., eod. loc. 19. Anthony GIDDENS, « Note critique : Le chronométrage et la spatialisation selon Foucault », dans La constitution de la société, op. cit., p. 201- 217.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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