Droit et société - Relire Giddens - 1 - 72

RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

la force, de la violence et de la menace jusqu’aux formes plus souples de simple désapprobation. Mais Giddens prend en compte les relations de pouvoir, dont il dit qu’elles sont « enchâssées dans des modes de conduite tenus pour acquis par ceux et celles qui s’y conforment ; elles s’ancrent de façon toute particulière dans les comportements routinisés, qui ne sont motivés que de manière diffuse » 46. Et de dégager, alors, trois types de contraintes qui peuvent intervenir dans l’action humaine : les contraintes matérielles (qui dérivent de la nature du monde matériel et des qualités physiques du corps) ; les sanctions négatives (qui dérivent des réponses punitives que des agents adressent à d’autres agents) et les contraintes structurelles (qui dérivent du caractère contextuel de l’action, voire du caractère ‘donné’ des propriétés structurelles qui concernent la situation des acteurs dans l’espace-temps) 47. S’agissant de ce dernier type de contrainte, Giddens affirme qu’il naît de l’existence ‘objective’ de propriétés structurelles que l’agent individuel ne peut modifier. Comme dans le cas des contraintes qui dérivent des sanctions, ces dernières renvoient aux limites dont dispose un acteur, ou un groupe d’acteurs, sur l’éventail des options, dans un contexte donné 48. Quant au lien entre pouvoir et espace-temps, on voit qu’il est intimement attaché à la notion de distanciation spatio-temporelle, et cela permet de comprendre ce qu’est la domination. Il s’agit d’une propriété ‘expansible’ des systèmes sociaux ; le pouvoir, engendré dans et par la reproduction des structures de domination va, pour s’exercer, puiser dans les ressources qui constituent ces structures de domination 49. Giddens conçoit ainsi les liens entre pouvoir et domination d’une façon récursive et transformatrice ; le pouvoir, en effet, s’exerce par la mobilisation, dans un contexte d’interaction, de ressources qui, à la fois, sont tirées d’un mode de domination, et, par leur application, reconstituent ce mode, conformément à sa thèse centrale de la dualité de la structure 50. C’est donc à travers les structures de domination que les acteurs peuvent exercer un pouvoir sur les objets (ressources d’allocation) et sur les personnes (ressources d’autorité). La domination dépend ainsi de l’utilisation de ces deux types de ressources : les ‘ressources d’allocation’, qui se réfèrent aux formes de capacité transformatrice permettant le contrôle des biens matériels, de l’environnement, de la technologie, etc. ; les ‘ressources d’autorité’, qui renvoient aux formes de capacité transformatrice qui permettent de contrôler des personnes 51. Surgit alors une autre problématique giddensienne majeure, celle de la distribution des ressources. Le pouvoir, qui est essentiellement relationnel, doit également être pensé dans ses rapports avec les niveaux structurels de la domination, cette dernière n’étant plus vue comme simple rapport entre acteurs, mais
46. 47. 48. 49. 50. Ibid., p. 234. Ibid., eod. loc. Ibid., p. 235. Ibid., p. 320. Cf. François CHAZEL, op. cit., p. 216.Voir aussi Emmanuel FARGES, cité supra. 51. Cf. Simon ALCOUFFE, « A. Giddens, ‘La constitution de la société’, PUF, Paris, 1987, Note de lecture », sur http://lipsor.cnam.fr/servlet/com.univ.utils.LectureFichierJoint ?CODE=1263315153745&LAN GUE=0 (consulté le 30 janvier 2011).

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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