Droit et société - Relire Giddens - 1 - 73

CONVERSATIONS FRANÇAISES

sous l’aspect de la distribution inégale des ressources. Les structures de domination répartissent de façon inégale les ressources, et c’est cette asymétrie dans les possibilités de captation des ressources qui détermine les possibilités d’avoir ou non du pouvoir. Sur ce point, certains ont montré que « le pouvoir n’opère que sur la base des asymétries de ressources inhérentes aux structures de domination » 52. Ces ressources, composantes structurelles des systèmes sociaux, sont, à la fois, les instruments de l’exercice du pouvoir et les moyens permettant la reproduction des structures de domination 53. Selon Giddens, il faut prendre en compte cette ‘double contribution des ressources’ qui permet d’échapper à une vision dualiste de l’opposition classique entre le pouvoir et les structures sociales 54. On ne peut pas ignorer, en achevant ce débat de Giddens avec Foucault, les pertinentes remarques faites par Pierre Guibentif. La critique qu’on vient de relever, qu’adresse Giddens à Foucault, ne concerne pas les derniers développements de la pensée de ce philosophe, qui vont précisément dans le sens ‘préconisé’ par Giddens. On peut citer ici ses travaux sur la gouvernementalité, l’esprit, également, de ses cours au Collège de France où le pouvoir se trouve dans des dispositifs qui stimulent plus qu’ils ne contraignent, un pouvoir constitué également par les réactions des gouvernés, dans le sens d’une dialectique du contrôle. De même 55, « dans La constitution de la société, Giddens fait une lecture peu nuancée de Surveiller et punir, ignorant en particulier la tension qui existe dans ce livre entre, d’une part, le motif en effet un peu monolithique et simplificateur du ‘contrôle social’ tel qu’il s’exerce dans ‘l’archipel carcéral’, et, d’autre part, des éléments de réflexion plus brefs et dispersés esquissant un concept pluraliste du pouvoir, et mettant en valeur la réaction à la force (notamment le grondement de la bataille). Mais surtout, il ignore les travaux postérieurs de Foucault, à l’époque il est vrai peu accessibles ». À la suite de François Chazel 56, on reconnaîtra que Giddens a, effectivement, renouvelé l’approche du pouvoir. Mais il n’a pas échappé à la tentation, celle même qu’il a dénoncée chez Parsons 57, d’en traiter, dans ses aspects fondamentaux, comme une contraction de sa théorie de la structuration. Dans sa théorisation générale de la société, en effet, il envisage l’action et la structure dans un rapport de dépendance réciproque. Le pouvoir intervient là, car il participe directement de l’action humaine, gravitant autour des relations entre
52. 53. 54. 55. François CHAZEL, op. cit., p. 216 ; cf. aussi Emmanuel FARGES, cité supra. Emmanuel FARGES, loc. cit. François CHAZEL, loc. cit. Notamment ses travaux sur la ‘gouvernementalité’ et ses cours au Collège de France (Pierre GUIBENTIF, Lettre à l’auteure). Cf. Michel FOUCAULT, Il faut défendre la société : Cours au Collège de France (1975-1976) (éd. établie sous la dir. de François Ewald et Alessandro Fontana), Mauro Bertani et Alessandro Fontana (éds.), Paris, Gallimard/Seuil, 1997 ; Naissance de la Biopolitique (1979) (éd. établie sous la dir. de François Ewald, Alessandro Fontana et Michel Senellart), Paris, Gallimard/Seuil, 2004. Cf. encore Pierre GUIBENTIF, Foucault, Luhmann, Habermas, Bourdieu, op. cit. (sur ‘grondements de la bataille’, dès la page 49). 56. François CHAZEL, op. cit., p. 213. 57. Cf. GIDDENS, « ‘Poder’ nos escritos de Talcott Parsons », op. cit., p. 256.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011
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