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RELIRE GIDDENS. ENTRE SOCIOLOGIE ET POLITIQUE

ment influencé, au départ, par la sociologie fonctionnaliste nord-américaine, par la sociologie ‘culturaliste’ de Lazarsfeld et celle, plus modérée, de Merton 141, Boudon veut donner à l’acteur une place prédominante en le considérant comme ‘l’atome logique’ de l’analyse sociologique, l’élément premier de tout phénomène social. Ainsi, à la notion de ‘système fonctionnel’ de Merton, oppose-t-il celle de ‘système d’interdépendance’ en recherchant dans les rôles sociaux les sources de l’autonomie individuelle, les rôles étant souvent composites, ambivalents, concurrents, ce qui laisse une marge d’interprétation aux acteurs 142. Quant au structuralisme, Boudon estime que ce courant est une véritable ‘régression intellectuelle’, car il gomme l’autonomie des acteurs. Adressée tout d’abord à Lévi-Strauss, sa critique s’oriente ensuite vers le structuralisme génétique de Bourdieu qu’il n’épargne pas : « le succès de la théorie bourdieusienne de l’habitus provient de ce qu’elle a pour effet de naturaliser l’individu, de le traiter comme un objet soumis à des forces qui lui seraient extérieures » 143. On voit que, chez Boudon, l’idée centrale est celle d’un individu qui agit, non pas parce qu’il est propulsé par des causalités sociologiques dont il n’aurait pas conscience, mais parce qu’il a une raison forte de le faire. De cette façon, il refuse les explications de l’action par des causes externes, sans lien avec les critères de choix propres à l’acteur. À ce propos, il dénonce ces ‘boites noires’ sociologiques qui relèvent de la tautologie et qui font appel à des concepts tels que ‘habitus’ ou ‘forces sociales’, à partir desquels l’action est considérée comme bornée par le contexte social. Ces concepts – qui ne prennent pas en compte la liberté de ‘choix’ de l’action individuelle, même si les acteurs ne disposent que d’une rationalité limitée – perdent, selon lui, de leur force explicative. Si l’action se déploie dans un contexte de contraintes, cela ne veut pas dire que la conduite des acteurs est la conséquence exclusive de ces contraintes. Ainsi Boudon se réfère-t-il aux modèles de la théorie des jeux, et adopte-t-il l’individualisme méthodologique comme une alternative paradigmatique dans le but de montrer que l’homo sociologicus, s’il n’agit pas dans un vide institutionnel et social, n’est entièrement déterminé ni par les structures sociales, ni par les rôles, et qu’il possède une latitude stratégique susceptible d’être mobilisée dans les interactions sociales 144. Cette vision conduira Boudon, d’une part, à observer à partir de la construction des modèles d’analyse les divers types de rationalité des acteurs sociaux et, d’autre part, à considérer les phénomènes sociaux en tant que la somme d’actions individuelles soumises à des contraintes 145. Pour appréhender le monde social, dit-il, il faut prendre en compte les

141. Dans les années 1961-1962 Raymond Boudon a travaillé à l’Université de Columbia, aux États-Unis sous la direction de Lazarsfeld ; là, il a rencontré également Robert Merton. 142. BOUDON, La logique du social, op. cit., p. 80 et s. 143. Cf. Raymond BOUDON avec R. LEROUX, Y a -t- il encore une sociologie ? Paris, Odile Jacob, 2003, p. 44 et s. Voir aussi Jean-Pierre DELAS et Bruno MILLY, op. cit, p. 142 et s. 144. Cf. DELAS et MILLY, op. cit, p. 379. 145. Ibid., p. 378.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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