Droit et société - Relire Giddens - 1 - 91

CONVERSATIONS FRANÇAISES

avec Boudon, on abordera maintenant la notion d’intentionnalité chez Giddens, pour revenir ensuite aux effets collectifs. 2.3.2 – Sur l’intentionnalité de l’action Qu’est-ce que l’intention ? Giddens utilise de façon équivalente les termes ‘intention’ (intention) et ‘but’ (purpose), même s’il précise qu’en anglais il y a une différence entre eux : le but est lié à l’idée de ‘résolution’, de ‘détermination’, il présuppose une ‘connaissance’ ; l’intention se borne à la pratique quotidienne, sachant que les formes les plus courantes de l’action quotidienne sont intentionnelles. Il définit, en effet, comme ‘intentionnelle’ ou ‘avec un but’ toute action par laquelle l’acteur sait (ou croit) pouvoir espérer un résultat particulier, pour la production duquel est utilisée la connaissance. Mais il y a des actes intentionnels qui produisent une série de conséquences, considérées légitimement comme des réalisations de l’acteur, mais qui, en réalité, n’ont rien à voir avec leurs objectifs. Ces ‘conséquences non désirées d’actes désirés’ prennent plusieurs formes : l’une, lorsque le résultat obtenu est tout autre que celui voulu par l’acteur, soit parce que la ‘connaissance’ qu’il a employée comme ‘moyen’ est erronée ou inadéquate pour l’obtention du résultat escompté, soit parce l’acteur se trompe sur les circonstances qui apparemment exigeaient ces ‘moyens’ ; l’autre, lorsque ce que l’acteur a entrepris produit une variété d’autres conséquences, des séquences d’action complexes qui tendent à lui échapper et qui portent l’action plus loin que ce qu’il a voulu. Ici, l’exemple donné par Giddens 154 est celui de la lumière et du cambrioleur : l’acteur allumant la lumière de son appartement en rentrant chez lui alerte le cambrioleur qui s’y trouve ; celui-ci prend alors la fuite, est arrêté par la police, et finit en prison. Cela caractérise un ‘effet accordéon’. On voit alors que la compétence des acteurs est sans cesse limitée, d’une part, par l’inconscient et, d’autre part, par les conditions non reconnues et les conséquences non intentionnelles de l’action. Ce que les acteurs font, de façon intentionnelle ou non, provoque des conséquences qui ne seraient pas survenues s’ils avaient agi différemment. Ces conséquences échappent à leur pouvoir, elles vont bien au-delà du contrôle que peuvent exercer les acteurs. En fait, chez Giddens, la notion de ‘conséquences non-intentionnelles de l’action’ tend à répondre à la question suivante : « comment se fait-il qu’un acte aussi banal que celui d’actionner un commutateur ait pu déclencher une série d’événements dont certains sont spatio-temporellement fort éloignés de l’acte déclencheur ? » 155. Lui-même donne un élément de réponse en affirmant que, de manière générale, nous admettons que plus les conséquences d’un acte sont éloignées de son contexte immédiat, et moins nous considérons ces conséquences comme inten154. Cf. Antony GIDDENS, New rules of sociological method, op. cit., p. 84. Voir aussi La constitution de la société, op. cit., p. 58 ; cet exemple a également été repris par Philippe CORCUFF dans Les nouvelles sociologies, op. cit., p. 52. 155. GIDDENS, La constitution de la société, op. cit., p. 59.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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