Droit et société - Relire Giddens - 1 - 95

CONVERSATIONS FRANÇAISES

Si certains, dans l’analyse des résultats contradictoires, lient la vision de Boudon à celle de Giddens, ce dernier affirme s’en être distingué, notamment par rapport aux prémisses de l’individualisme méthodologique. Il a, en effet, relié la notion de ‘contradiction structurelle’ aux types globaux de totalité sociétale, à savoir société tribale, société divisée en classe/État, société de classes/ État 169, lui donnant une signification liée aux traits constitutifs des sociétés humaines. Pour lui, les principes structurels s’exercent de façon contradictoire : ils sont en même temps indissociables et en opposition réciproque. Cette idée, il la relie à l’État, foyer des contradictions structurelles primaires 170, les contradictions secondaires dérivant des précédentes, qui sont intrinsèques aux modes dominants de structuration des sociétés. On voit que, par cette approche plus structurante, Giddens a voulu compléter les thèses de Boudon, sans véritablement avoir l’intention de mettre en cause l’importance de ses idées 171. 2.3.4 – Sur le déclin des valeurs Dans ce domaine, c’est Boudon qui met en cause les idées de Giddens. Dans son livre Déclin de la morale, déclin des valeurs ? 172, il attaque ceux qui, non seulement au Café du Commerce, mais aussi dans la meilleure littérature sociologique, parlent du déclin de la morale et des valeurs. Sur ce sujet, Boudon critique successivement les positions de trois grands représentants de la sociologie contemporaine, Bryan Wilson, Urlich Beck et Anthony Giddens. Il montre que ces auteurs, chacun à sa manière, ont adopté l’idée que la société d’aujourd’hui ne serait plus capable de transmettre des valeurs, car nous aurions quitté un type de société plus traditionnelle susceptible de léguer celles qui permettaient aux individus d’affronter les divers contextes de vie qu’ils devaient traverser dans leur histoire personnelle. Mais, en passant de la société industrielle à la société post-industrielle, de la modernité à la post-modernité, nous aurions abandonné un monde où les contraintes concernant les rôles sociaux étaient connues et acceptées de tous, créant ainsi les conditions nécessaires à l’adaptation des individus aux différents milieux dans lesquels ils s’insèrent. Ainsi, pour Bryan Wilson, par exemple, dans les sociétés contemporaines, ni la famille, ni l’école ne seraient plus aptes, désormais, à transmettre des valeurs 173. Mais d’où vient cette évolution ? Elle est la conséquence de la globalisation, qui comporte des facteurs propres à priver les individus de leurs attaches communautaires, en leur substituant des attaches sociales multiples et fonction169. Voir le chapitre 4 de La constitution de la société, op. cit. ; voir aussi Ibid., plus loin, à la p. 379. 170. GIDDENS, La constitution de la société, op. cit., p. 253. Cf. aussi supra, ch. 1. 171. Ibid., p. 379. 172. Cf. Raymond BOUDON, Déclin de la morale, déclin des valeurs ? Paris, PUF, 2002. Une version abrégée de ce texte, amputée notamment de la partie interprétative, a été présentée comme conférence d’investiture à la Société Royale du Canada, Ottawa, le 15 novembre 2001, et a été également publié dans les Actes de la société (2001), et dans Commentaire, 97, 2002, p. 89-98. 173. Ibid., p. 10.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 55, 2011

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