Bibliothèque droit romain - Conserver l'ordre constitutionnel (XVIe/XIXe) - 17

INTRODUCTION

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face au législateur un contre-pouvoir mais de canaliser la volonté du législateur dans le cadre juridique qui la rend légitime. La tentation peut être grande pour ceux qui exercent cette magistrature de sortir de la neutralité juridique qui doit être la leur. Céder à cette tentation est toujours dangereux pour l’ordre constitutionnel lui-même. Un organe constitutionnel qui, cédant à des considérations d’opportunité, laisserait transparaître dans ses décisions une opinion personnelle, une volonté propre, porterait doublement atteinte à l’ordre constitutionnel dont il a la garde : d’une part en s’arrogeant un pouvoir qu’il n’a pas ; d’autre part en exposant sa décision à d’inévitables controverses, en faisant planer au dessus de sa tête le soupçon de la partialité et, par conséquent, en diminuant sa propre autorité. L’étendue de ce travail d’interprétation ne peut être que le fruit d’un équilibre délicat, qu’il est impossible de fixer à l’avance par quelque procédure que ce soit13. Depuis 1958, l’ordre constitutionnel a pour composantes la Constitution de la Cinquième République, le préambule de la Constitution de la Quatrième République, la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et la charte de l’environnement adoptée lors de la révision constitutionnelle de 2004. Sa conservation est assurée par le Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel, remarque Dominique Rousseau, « est […] une juridiction qui, par son contrôle de la conformité des lois à la Constitution, à la Déclaration de 1789, au préambule de 1946 et aux principes à valeur constitutionnelle fait de la Constitution un être vivant inspirant l’ensemble du système juridique et politique »14. L’article 56 de la Constitution du 4 octobre 1958 institue un conseil constitutionnel composé de neuf membres ordinaires chargés d’examiner la conformité des lois à la Constitution15. L’institution se qualifie elle-même en 1962 « d’organe régulateur de l’activité normative des pouvoirs publics »16, avant de se saisir en 1971 de la protection des droits fondamentaux, étoffant bientôt le «  bloc de constitutionnalité  »17 des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2009 complète le dispositif en établissant, à l’article 61-1, une procédure de saisine ouverte aux justiciables qui viendraient à soutenir « à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction » « qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Le succès immédiat de cette nouvelle procédure permet

13. François Saint-Bonnet, « Louis XIV, les parlements et la souveraineté », in Gauthier Aubert et Olivier Chaline (dir.), Les Parlements de Louis  XIV. Opposition, coopération, autonomisation  ? Presses Universitaires de Rennes, 2010, pp. 173-183  ; Denys de Bechillon, «  Comment encadrer le pouvoir normatif du juge constitutionnel ? », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 24, 2008, pp. 78 et suivantes. 14. Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, p. 11. La comparaison entre la Constitution et un être vivant nous semble toutefois surprenante compte tenu de la logique mécaniciste qui guide la réflexion constitutionnaliste moderne depuis le XVIIIe siècle. 15. Pascal Jan, La saisine du Conseil constitutionnel, Paris, LGDJ, 1999. 16. Cité par Guillaume Drago, « Justice constitutionnelle », Droits, n° 31, p. 124. 17. Sur la notion de bloc de constitutionnalité, nous renvoyons à Charlotte Denizeau, Existet-il un bloc de constitutionnalité  ? Paris, LGDJ, 1997. À l’expression «  bloc de constitutionnalité  », employée pour la première fois en 1969 par Claude Emeri et définie en 1975 par Louis Favoreu (Ibidem, pp. 11-14), Dominique Rousseau préfère celle de « charte jurisprudentielle des droits et des libertés » (Droit du Contentieux constitutionnel, op. cit.).
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