Bibliothèque droit romain - Conserver l'ordre constitutionnel (XVIe/XIXe) - 313

L’ORDRE CONSTITUTIONNEL MONARCHIQUE CONTESTÉ

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Provence, Forcalquier et terres adjacentes »484. Là encore, la théorie des classes ne peut pas être appliquée485. D’autre part, l’usage que les Parlements font de cette théorie est illégitime. L’intérêt de cette théorie est tactique. Le Parlement de Normandie le reconnaît dans ses Remontrances du 8 janvier 1761 alors qu’il demande le rappel de trente magistrats du Parlement de Besançon exilés par lettres de cachet depuis deux ans : « En aucun temps cette union ne fut plus nécessaire pour opposer un effort commun au projet de destruction qui se manifeste contre la forme et la constitution du gouvernement, contre votre autorité et votre gloire, contre les droits de la nation, contre le repos de la société, contre l’honneur, les biens, franchises et libertés de tous vos sujets »486. Au milieu des années 1760, le conflit qui oppose l’autorité royale et le Parlement de Bretagne marque une nette aggravation de la fronde parlementaire. L’affaire La Chalotais empoisonne la vie politique du royaume. Ainsi, à Metz, les magistrats mènent la vie dure à l’intendant, Alexandre de Calonne, pourtant très conciliant à leur égard, parce que celui-ci a été impliqué dans l’affaire de Bretagne487. Lors du procès du duc d’Aiguillon en 1770 la personne même du Roi n’est pas épargnée. Un conseiller accuse, sur la foi d’un simple témoignage, Louis XV d’avoir ordonné l’élimination de La Chalotais. C’est la première fois de l’Histoire du Parlement que la personne du monarque est de la sorte attaquée par l’un des juges, avec l’approbation tacite de nombre de ses confrères. Il y a là un net affaiblissement du loyalisme monarchique qui est une partie essentielle de l’ordre constitutionnel. C’est pour défendre l’intégrité de cet ordre que Louis XV use à plusieurs reprises de son autorité, procédant en dernier recours à une réforme de l’organisation judiciaire.

§ 2. LOUIS XV, DERNIER DÉFENSEUR DE L’ORDRE

CONSTITUTIONNEL

La fronde que Louis XV essuie à partir de 1751 le conduit à réaffirmer face aux Parlements les principes essentiels de l’ordre constitutionnel. Profondément soucieux de conserver cet ordre (a), le Roi s’emploie dès la fin des années 1750 à réfuter les théories subversives des Parlements (b). Cependant, tout réaffirmant
484. Isambert, Recueil général , t. XII, p. 424. 485. Dans la thèse qu’il consacre aux remontrances du Parlement de Provence au XVIIIe siècle, Robert Paul-Albert écrit que « la Provence […] est un État égal non subordonné, distinct du royaume de France, annexé à la Couronne sans être incorporé à la monarchie ni y être subalternée. Elle n’a d’autres lien avec la France que celui qu’exige l’harmonie du gouvernement général et l’obéissance au même souverain ». Et d’ajouter que le roi règne en Provence en qualité de comte (Robert PaulAlbert, Les Remontrances et arrêtés du parlement de Provence au XVIIIe siècle (1715-1790), thèse, Aix-Marseille, 1912, p. 365). Cependant, quelques pages plus loin, il se contredit, affirmant, sans le démontrer, que la théorie des classes ne souffre aucune contestation, alors même que le statut juridique de la Provence en interdit l’application au Parlement d’Aix (ibidem, pp. 383-386). Nous renvoyons également sur ce point à Aymeric Thareau, Le rôle du Parlement de Provence dans l’opposition à l’absolutisme à la fin du règne de Louis XV (1752-1775), mémoire de DEA, Aix-Marseille, 2004. 486. Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, p. 509. 487. Eric Leroy relève que Calonne est la cible de la vindicte des cours qui entretiennent à ce propos une importante correspondance, échangeant douze lettres entre le 28 juillet 1769 et le 14 août 1770 (Charles Alexandre de Calonne administrateur (1734-1802) : de l’impasse du despotisme parlementaire à celle du despotisme éclairé à la française’, thèse d’histoire, Université de Lille III, 2005, pp. 733-808.

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