Bibliothèque droit romain - Conserver l'ordre constitutionnel (XVIe/XIXe) - 38

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CONSERVER L’ORDRE CONSTITUTIONNEL (XVIe-XIXe SIÈCLE)

§ 1. L’IDÉAL

DU

ROI

JUSTICIER

Selon la tradition, le Roi de France tient sa couronne de Dieu qui la lui a confiée pour faire régner la justice et ainsi mener son peuple sur le chemin du Salut2. Depuis l’avènement de Pépin le Bref, l’onction du Sacre fait de la royauté française l’héritière de la royauté sacrée hébraïque. Le Roi est avant tout un juge. Dès le IXe siècle, Jonas, évêque d’Orléans, à la suite d’Isidore de Séville, affirmait que : « Le roi tire son nom d’agir droitement. Si en effet il gouverne avec piété, justice et miséricorde, c’est à juste titre qu’on l’appelle Roi  ; s’il manque à ces vertus, il perd le nom de Roi »3. Au XIIe siècle, Louis VI est présenté par l’abbé Suger comme le modèle du Roi justicier4. La justice est la principale vertu exigée du Roi. Avant de gouverner ses sujets, il lui faut se gouverner lui-même. L’image du Roi justicier nourrit à la fin du Moyen Age un idéal monarchique « très pur et très élevé  » attesté par la littérature politique du temps5. Au XVIe siècle, le Parlement de Paris rappelle à l’envi que « les Rois sont établis de Dieu pour en son nom faire justice au peuple, défendre les sujets d’injures et rendre à chacun ce qui luy appartient  »6. Les plus proches conseillers du prince affirment également que l’un des principaux devoirs du Roi est « de faire exercer saintement la Justice, d’empêcher que les magistrats n’abusent de leur autorité, et de défendre les plus faibles contre l’oppression des plus puissants […] car c’est principalement pour ce sujet que les Rois sont institués de Dieu : et c’est ce qu’il leur recommande plus particulièrement  »7. Pour Louis Le Caron, «  la justice est la première marque de la souveraineté »8. De la justice, la royauté tire son éclat et sa force. Pour les rois, la Justice « est la toise où leur grandeur se doit prendre »9. Nombreux sont ceux qui affirment l’existence d’un lien entre le comportement juste du Roi et la prospérité du royaume. Que le prince soit injuste et la misère viendrait accabler ses sujets10. Ce thème imprègne les remontrances du Parlement de Paris. Lors des premiers États généraux de Blois, en 1577, Claude de Bauffremont, porteparole de la Noblesse, affirme que la « vertu de justice est le vray manteau Royal et ornement des Roys, qui les fait reluire et estre en admiration envers leurs subjets, et qui maintient les Monarchies en tout heur et prospérité »11. Le bonheur
2. Krynen, L’Empire du Roi, pp. 167-168. 3. Jonas d’Orléans, De Institutione regia, Paris, Cerf, 1995, p. 185. 4. Guillaume Bergerot, L’exaltation du roi juste par l’abbé Suger dans la Geste de Louis  VI, cahiers d’histoire de l’ICR, 2006, pp. 9-49. 5. Jacques Krynen, Idéal du prince et pouvoir royal en France à la fin du Moyen Age (13801440), Paris, Picard, 1981, p. 48. 6. Remontrances du Parlement de Paris en date du 9 juin 1581, B.N.F. ms. fr. 10939, p. 310 recto / verso. Il serait possible sur ce thème de multiplier les citations ; la lecture des remontrances du Parlement permet à cet égard de belles récoltes. Ainsi, le 18 juillet 1585, le premier président de Harlay rappelle à Henri III que « Regere est recte agere, c’est-à-dire que ce mot de régire, commander, gouverner contient en soi une nécessité de bien faire et rendre la justice également à un chacun sans faire dommage, ni donner incommodité à l’un plus qu’à l’autre » (B.N.F. ms. fr. 10939, p 393 recto). 7. Cardin Le Bret, De la Souveraineté du Roi, Paris, 1689, p. 1. 8. Louis Le Caron, Pandectes ou digeste du droit français, Paris, 1607, p. 5. 9. Louis d’Orléans, Ouvertures de Parlements, par Loys d’Orléans, ausquelles sont adjoustées cinq remontrances autrefois faictes par iceluy, Paris, 1607, p. 3. 10. Il s’agit d’une idée très ancienne, déjà bien ancrée à l’époque carolingienne (Sassier, Royauté et idéologie au Moyen Age, Paris, Armand Collin, 2002, p. 146 ; ce thème est repris tout au long du Moyen-Age par les enlumineurs (Colette Beaune, Les Manuscrits des Rois de France au Moyen-Age, Paris, La Bibliothèque de l’Image, 1997, pp. 84-85). 11. Bauffremont, Proposition de la noblesse de France, p. 10.
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