Bibliothèque droit romain - Conserver l'ordre constitutionnel (XVIe/XIXe) - 83

L’ORDRE CONSTITUTIONNEL DE LA MONARCHIE DE FRANCE

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du domaine auxquels le Roi procède pour faire face aux nécessités de la guerre. Ces engagements ne sont qu’une tolérance dont les magistrats du Parlement s’emploient à limiter les effets en encadrant l’aliénation de clauses restrictives donnant au Roi le pouvoir de racheter ultérieurement le bien engagé301. Au cours du XVe siècle, le Parlement s’est montré, à cet égard, d’une vigilance grandissante. Dès la seconde moitié du XVe siècle, la conservation de l’intégrité du domaine de la Couronne a été l’un des champs privilégiés des désaccords entre le gouvernement royal et les cours souveraines. Les juristes et les penseurs du XIVe et du XVe siècle, tels Jean de Paris, Philippe de Mézières, Jean de Terrevermeille et Jean Juvénal des Ursins ont présenté le Roi comme l’administrateur du domaine de la Couronne. Couronne fermée qui symbolise l’unité du royaume, écrit Jean du Tillet. Le monarque ne peut en disposer car, à l’instar de la couronne qui est indisponible, le domaine est inaliénable. Le domaine est inaliénable parce qu’il n’appartient pas au Roi. De ce domaine, le monarque a l’ « usus » et le « fructus », il n’a pas l’ « abusus ». Le Roi doit le transmettre intact, et si possible, agrandi, à son successeur. Au XVIe siècle, la règle d’inaliénabilité est réaffirmée à plusieurs reprises de manière solennelle302. Bien avant l’ordonnance de Moulins, le Parlement de Paris l’invoque lors de lits de justice, en décembre 1527 et en janvier 1537. En décembre 1527, le premier président Jean de Selve compare le lien qui unit le Roi à son royaume à celui du mariage. Inspirée par la pensée canoniste303, une telle métaphore, symbolisée, en 1547, par l’anneau que le Roi reçoit lors du Sacre, permet en 1537 de présenter le domaine de la Couronne comme la dot reçue par le Roi lors de son Sacre, image utilisée depuis la deuxième moitié du XVe siècle304. Lors du Lit de Justice du 15 janvier 1537, l’avocat Jacques Cappel affirme : « par la Loy de France, qui se nomme Salique, et par les droicts commun, divin et positif, le sacré patrimoine de la Couronne, et ancien Domaine du prince ne tombe en commerce des hommes, et n’est communicable à autre qu’au Roy, qui est mary et époux Politique de la chose publique, laquelle luy apporte à son Sacre et Couronnement ledit Domaine en dot de sa Couronne ; lequel dot les Roys à leur Sacre et Couronnement jurent solennellement ne jamais aliéner pour quelque cause que ce soit, comme aussi il est inaliénable »305. Ainsi l’ordonnance rendue à Moulins en 1566, au lendemain des États généraux d’Orléans et de Pontoise, ne fait que couronner un principe maintes fois affirmé et confirmé depuis deux siècles et demi. C. LES LIBERTÉS DE L’ÉGLISE DE FRANCE Si l’on veut dresser la liste complète des principes fondamentaux qui régissent la Monarchie de France, « il faut y ajouter les libertés de l’Église gallicane », estiment d’aucuns, tel Maurice Hauriou306. Définies au XIVe et au XVe siècle, entre le règne de Philippe IV et le règne de Charles VII, ces libertés préservent
301. Leyte, Domaine et domanialité publique dans la France médiévale, p. 383-386. 302. Rousselet-Pimont, Le Chancelier…, pp. 118-124. 303. Fonbaustier, Modèles ecclésiologiques et droit constitutionnel, pp. 23-34. 304. Aurélie du Crest, Modèle familial et Pouvoir monarchique (XVIe-XVIIIe siècle), Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2002, pp. 56-81. Kantorowicz, Les deux corps du Roi, Œuvres, pp. 810. 305. Godefroy, Cérémonial français, t. II, pp. 511-512. 306. Maurice Hauriou, Précis élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1925, p. 92.
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