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L’AUTONOMIE DE LA VOLONTÉ DANS LE CONFLIT DE JURIDICTIONS

La démonstration de M. Bolze paraît influencée par la « Théorie de la situation juridique »82 construite par l’allemand James Goldschmidt83 lorsque la question de nature juridique du procès était débattue en doctrine84. Selon cette théorie, le procès est un rapport triangulaire entre le juge et les parties qui implique l’existence de charges et d’expectatives85 et non pas d’obligations. Cependant, le succès de cette théorie a été remis en cause parce que, bien que la loi prévoie des charges pour les parties (la comparution, l’allégation et la présentation de preuves ne sont pas des obligations), elle ne prévoit que de vraies obligations pour le juge. Toutes les fois où le juge intervient, c’est en application d’une loi, précisément parce que ce juge, en tant que fonctionnaire judiciaire, ne peut faire que ce que le droit lui permet de faire86. 568. Position en faveur du choix des lois étrangères. La doctrine en faveur de la possibilité de choisir des lois étrangères par l’accord procédural est motivée par diverses raisons. Certains déduisent du caractère disponible des droits et du principe d’égalité de traitement des lois françaises (du for) et étrangères, la possibilité de choisir une loi autre que celle du for. En doctrine, les positions sont nuancées en raison des conditions de choix de la loi étrangère. 569. Cette possibilité est défendue par Mme Fauvarque-Cosson87. Cet auteur considère que, dans la mesure où les parties ont la libre disposition de leurs droits, et sous réserve qu’elles rapportent le contenu du droit étranger ainsi retenu, il ne paraît pas nécessaire de restreindre d’emblée l’éventail de lois susceptibles d’être choisies, quand bien même l’accord procédural opérerait en dehors de la matière contractuelle. Cette restriction serait en revanche pleinement justifiée si elle devait permettre d’éviter la collusion frauduleuse des parties qui, sous couvert d’un accord procédural, s’entendraient pour porter atteinte aux droits des tiers par le choix d’une loi étrangère88. En soumettant le choix d’une loi étrangère au respect de certaines conditions, on pourrait enfin constater une différence par rapport au régime de l’accord au fond. Toutefois, toutes ces conditions peuvent être vérifiées dans l’accord au fond. Le premier critère est la libre disponibilité
82. GOLDSCHMIDT, J., Principios Generales del Proceso, op. cit., t. 1, p. 91-93. 83. James Paul Goldschmidt (17 décembre 1874-1940) est un juriste allemand qui en raison de son origine juif, a perdu en 1934 son poste de professeur à la Faculté de droit de Berlin. En 1934, après avoir donné des conférences en Espagne et en Angleterre, il s’est installé à Montevideo où il est décédé. 84. Sur ce débat, plusieurs théories ont été construites pour refuser le caractère privé du procès qui voit dans le procès un contrat par lequel les parties s’engagent à respecter la décision du juge. Les plus importantes de ces théories sont la théorie de la relation juridique (de l’allemand Von Büllow), la théorie du procès comme institution juridique (de l’espagnol Jaime Guasp) et la théorie du procès comme service public. 85. Selon cette théorie, il n’y a pas d’obligations dans le procès. Les obligations sont des impératifs nés de l’intérêt d’un tiers ou de l’État et la charge est un impératif du propre intérêt, donc il n’y a pas de sanction à l’encontre de celui qui n’assume pas sa charge. 86. Même lorsque la loi reconnaît au juge un pouvoir discrétionnaire, il est tenu de décider selon ce pouvoir. En tout cas, le pouvoir discrétionnaire du juge n’est pas toujours arbitraire car il reste encadré à un certain degré et donc susceptible de contrôle. CHALAS, Ch., L’exercice discrétionnaire de la compétence juridictionnelle en droit international privé, Université d’Aix- Marseille, t. I et II, PUAM, 2000, spéc n° 694, 697 et 699 ; ARRUE-MONTENEGRO, C.-A., Le forum non conveniens à l’assaut des compétences exorbitantes ; l’expérience panaméenne, Mémoire Paris II, 2006, n° 17 et 88. 87. FAUVARQUE-COSSON, B., La libre disponibilité et les conflits de lois, op. cit., n° 480 et s. 88. En ce sens, M. Audit, après avoir admis qu’en général, c’est en faveur de la loi du for que s’opérera la renonciation, les parties s’abstenant d’invoquer la loi étrangère, affirme qu’il est concevable que l’accord se fasse en faveur d’une loi étrangère. AUDIT, B., Droit international privé, op. cit., n° 266.

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