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ENTRE AMOUR ET DROIT : LE LIEN CONJUGAL DANS LA PENSÉE JURIDIQUE MODERNE

en mesure d’imposer de nouveaux empêchements dirimants. Encore faut-il préciser que ces nouveaux empêchements se feront sous le voile de la législation canonique. Seule la Révolution n’envisagera le mariage que d’un point de vue civil, témoignant d’une rupture fondamentale. La création doctrinale du rapt de séduction, dès le XVIe siècle248, est un bon exemple du détournement de l’empêchement canonique de rapt. C’est un moyen de sanctionner l’autorisation des parents au mariage249, ce peut être aussi un moyen pour les femmes déshonorées d’obtenir justice250. De façon générale, l’évolution de la place du consentement des époux dans la formation du mariage est relative à la manière dont est reçu le décret Tametsi. Le roi était bien sûr très favorable à la lutte contre les mariages clandestins et tout à fait conscient de l’autorité de l’Église dans le domaine. La meilleure preuve est qu’il chercha à faire pression pour que le Concile rende obligatoire l’autorisation des parents au mariage. Le roi savait très bien que les premières dispositions législatives prises à ce sujet par un édit de 1556251 étaient insuffisantes. Ces dispositions avaient pour objectif d’encadrer strictement le consentement des époux, en imposant le consentement des parents (celui du père étant prépondérant) jusqu’à 30 ans pour les garçons et 25 ans pour les filles. Au-delà les enfants avaient l’obligation de demander l’avis de leurs parents par des « actes respectueux »252. Cependant la sanction exclusivement patrimoniale était insuffisante : l’exhérédation facultative253 ne pouvant remplacer la sanction bien plus simple et radicale de l’annulation dont seule l’Église pouvait disposer. L’invalidation des mariages clandestins ayant été définie dans le décret Tametsi, le roi va logiquement chercher à intégrer cette avancée conciliaire en « droit interne ». La manière de procéder, l’ordonnance de Blois, est bien révélatrice du caractère sensible de la matière, au cœur de la relation entre l’Église et l’État. Ce sera aussi la source d’un grand désarroi doctrinal. On ne mesure alors que difficilement les capacités séculières à régler les problèmes matrimoniaux selon le principe émergent de souveraineté.
248. Le rapprochement du rapt avec la séduction a été faite dès la seconde moitié du XVIe siècle par Jean de Coras († 1572), protestant, conseillers au parlement de Toulouse (voir la notice faite par J. Poumarède dans Dictionnaire historique des juristes français, PUF, 2007), v° « rapt » dans Arrests mémorables du Parlement de Tolose, Lyon, 1561. Par ailleurs, l’ordonnance d’Orléans (1561) déclare dans son article 111 que ceux qui ont obtenu subrepticement des lettres de cachet pour faire séquestrer des filles et les épouser ou faire épouser sans le consentement de leurs parents ou tuteurs, sont passible du crime de rapt, voir R. Filhol, Le Premier Président Christofle de Thou et la Réformation des Coutumes, op. cit., p. 233 ; voir § 94. 249. Cf. infra, ordonnance de Blois. 250. V. Demarsion, « un épisode peu connu de l’histoire du rapt de séduction : l’utilisation de la législation royale au profit des femmes déshonorées dans la jurisprudence du XVIIe siècle », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1988, pp. 713 et s. 251. Edit de février 1556 (ancien style) contre les mariages clandestins, Isambert, Recueil des anciennes lois françaises depuis 420 jusqu’à la Révolution de 1789 qui peuvent servir soit à l’interprétation, soit à l’histoire du droit privé, Paris, 1829, t. 13, n° 363, pp. 449-471. Cet édit est conjoncturel, fruit de l’affaire de François de Montmorency. Ce dernier, fils du connétable, déclare à son père la veille du jour de son mariage organisé avec Diane, fille d’Henri II, qu’en réalité il est déjà marié… H. Morel, « Le mariage clandestin de Jeanne de Piennes et de François de Montmorency », in Mélanges Dauvillier, Toulouse, 1979, pp. 555 et s. 252. A. Lefebvre-Teillard, Introduction historique… op. cit., p. 170. 253. Sur les questions successorales que posent cet édit et son interférence sur la réformation des coutumes et la question de la représentation voir R. Filhol, Le Premier Président Christofle de Thou et la Réformation des Coutumes, op. cit., pp. 231-233.

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