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ENTRE AMOUR ET DROIT : LE LIEN CONJUGAL DANS LA PENSÉE JURIDIQUE MODERNE

ne pourront valablement contracter mariage, [suivent ici les règles pratiques  : publication des bans ; possibilités de dispense de ces publications ; mariage public après publication  avec présence d’au moins quatre témoins consignés dans un registre] le tout sur les peines portées par les conciles »257. Or la peine portée par le concile de Trente, c’est la nullité. 94. Un édit de décembre 1606 vient encore renforcer cette interprétation, le roi y précise que les juges ecclésiastiques « seront tenus garder les ordonnances, même celle de Blois, en l’article 40 ; et suivant icelles, déclarer les mariages qui n’auront été faits et célébrés en l’église, et avec la forme et solennité requise par ledit article, nuls et non valablement contractés, comme cette peine indicte par les conciles »258. Le roi ne parle pas ici de sanctions civiles, mais bien de nullité de mariage, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il s’adresse aux juges ecclésiastiques, qui ne sont compétents que de foedere matrimonii et non pour les questions civiles. De fait, le flou même de l’article 40 postule pour une interprétation selon le détail précis du décret Tametsi. L’évolution ira dans ce sens, comme le prouve déjà ce petit article de 1606 où il est question de mariages « faits et célébrés en l’église » selon l’article 40, alors que ce dernier article n’impose que le caractère public du mariage, sans précision259. En outre, toujours dans l’ordonnance de Blois, le roi distingue très nettement les sanctions liées à la clandestinité (article 40) des sanctions liées au défaut de consentement des parents (article 41260). Ces dernières sanctions sont simplement civiles et pénales (articles 41, 42 et 43), car il est notoire que le concile de Trente n’a pas voulu entacher de nullité de tels mariages. Il n’y a pas de doute que si le Concile avait posé un empêchement dirimant sur cette matière, comme les ambassadeurs de France l’avaient demandé, le roi aurait intégré cette sanction simple et radicale. En effet, les plaintes ne cessent pas, au XVIe et XVIIe siècles, contre les fils et filles de familles se mariant contre l’autorisation de leurs parents261. Rabelais a consacré tout un chapitre dans son Tiers Livre pour démontrer le caractère illicite de tels mariages262. Les solutions civiles et pénales, aussi sévères qu’elles puissent être, ne suffisent pas à les enrailler. Il s’agit de techniques juridiques assez inadaptées, comme l’est la théorie du rapt de séduction263 : elle permet d’aller jusqu’à
257. Isambert, op. cit., t. 14, p. 391; sur l’évolution et l’interprétation juridique de la réglementation concernant les témoins voir C. Piveteau, La pratique matrimoniale en France d’après les Statuts Synodaux, Thèse droit, Paris, soutenue le 31 mai 1957, pp. 93 et s. 258. Isambert, op. cit., art. 12, t. 14, p. 385. 259. Sur le rapprochement avec le décret Tametsi, voir J. Basdevant, Des rapports de l’Église et de l’État dans la législation du mariage du concile de Trente au Code civil, op. cit., pp. 70 à 73. 260. «  41. Nous voulons que les ordonnances ci-devant faîtes contre les enfants contractant mariage sans le consentement de leurs pères, mères, tuteurs et curateurs, soient gardées, mêmement celle qui permet en ce cas les exhérédations. » 261. R. Filhol, Le Premier Président Christofle de Thou et la Réformation des Coutumes, op. cit., p. 235. 262. Rabelais, Tiers-livre, chap. 48. 263. Y. Jeanclos, « Consentement matrimonial et rapt de séduction en France d’après quelques actes de la seconde moitié du XVIIIe siècle », dans Le droit de la famille en Europe, Strasbourg, PUS, 1992, pp. 269-305 ; G. Pacilly, « Contribution à l’histoire de la théorie du rapt de séduction », R.H.D., 1934 ; L. Duguit, « Étude historique sur le rapt de séduction », Nouvelle revue historique de droit français et étranger, 1886, pp. 587-625 ; J. Guestin, « L’action des parlements contre les « mésalliances » au XVIIe et XVIIIe siècles », R.H.D., 1956, pp. 74 et s. ; voir aussi § 91.
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