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ENTRE AMOUR ET DROIT : LE LIEN CONJUGAL DANS LA PENSÉE JURIDIQUE MODERNE

morale et juridique du mariage qui ne soit pas fondée sur la pure création subjective. Il y a toujours un lien, même s’il est étroit, avec la nature. Locke peut ainsi construire un droit rationnel et géométrique sur le réel et non sur les principes abstraits de la raison, mais le résultat ne va pas beaucoup changer. 199. Le grand intérêt de la démarche lockienne en revanche, sous prétexte de retour au réel, c’est l’abandon de la métaphysique (précisément de la nouvelle métaphysique cartésienne) et l’avancée corrélative dans la sécularisation. C’est en ce sens qu’elle sera accueillie en France et qu’elle répond aux attentes du XVIIIe siècle : la recherche d’un bonheur concret, terrestre, sensible. C’est en ce sens surtout qu’elle va profondément toucher le mariage, ce dernier étant intrinsèquement lié au sacré. Le raisonnement est simple : nous ne saisissons qu’une toute petite partie de la réalité (un aspect matériel des éléments singuliers), nous n’avons pas de principes innés, nos termes généraux ne sont que des créations de l’esprit, nous n’avons donc pas accès aux réalités métaphysiques. Le mariage devient donc cette association toute humaine en vue de construire un petit bonheur terrestre, il ne se rattache qu’à quelques éléments bien terre à terre de la réalité : procréation et éducation pour l’essentiel, pour le reste, il est le fruit de la liberté des conjoints. Cette notion de liberté aura de ce fait un nouveau souffle au XVIIIe siècle, accompagnée dès lors par une raison toute neuve allégée du poids métaphysique. III. LE PLAISIR SENSIBLE AU FONDEMENT DU MARIAGE 200. La justice est aussi considérée par Locke comme un « mode mixte », c’est-à-dire une élaboration de l’esprit74. Cela lui permet d’être entièrement rationalisable. La justice, comme les idées morales, étant des notions abstraites (des modes) construites par notre esprit, nous savons très clairement ce qu’elles recouvrent, il est donc possible de faire des relations logiques et d’en déduire précisément ce qui est juste et ce qui ne l’est pas75. Locke se montre là en plein
about which it is are such as more than one particular thing can correspond with and be represented by » ; « il ne sera pas hors de propos, avant de quitter cette matière, de faire connaître une méprise visible qu’on commet dans les règles du syllogisme : c’est que nul raisonnement syllogistique ne peut être juste et concluant, s’il ne contient au moins une proposition générale, comme si nous ne pouvions point raisonner et avoir des connaissances sur ces choses particulières. Au lieu que dans le fond on trouvera, tout bien considéré, qu’il n’y a que les choses particulières qui soient l’objet immédiat de tous nos raisonnements et de toutes nos connaissances. Le raisonnement et la connaissance de chaque homme ne roulent que sur les idées qui existent dans son esprit […] la perception de la convenance ou de la disconvenance de nos idées particulières est le fond et le total de nos connaissances. L’universalité n’est qu’un accident à son égard, et consiste uniquement en ce que les idées particulières qui en sont le sujet, sont telles que plus d’une chose particulière peut leur être conforme et être représentée par elles » (nous soulignons), idem, pp. 568 et 569. 74. Idem, p. 350. 75. « And hence it follows that moral knowldge is as capable of real certainty as mathematics. For certainty being but the perception of the agreement or disagreement of our ideas […] our moral ideas, as well as mathematical, being archetypes themselves, and so adequate and complete ideas ; all the agreement or disagreement which we shall find in them will produce real knowledge, as well as in mathematical figures » ; « la connaissance des vérités morales est aussi capable d’une certitude réelle que celle des vérités mathématiques ; car la certitude n’étant que la perception de la convenance ou de la disconvenance de nos idées, […] comme nos idées morales sont elles-mêmes des archétypes aussi bien que les idées mathématiques, et qu’ainsi ce sont des idées complètes, toute la convenance ou la disconvenance que nous découvrirons entre elles produira une connaissance réelle, aussi bien que dans les figures mathématiques », idem, p. 467.

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