Biblio Histoire du droit - Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI-XXIe siècles) - 208

CRITIQUE EMPIRISTE DU CARCAN RATIONNEL

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dimension transcendante, un lien avec le divin que l’on ne peut supprimer sans changer la nature humaine. Cette image est cependant troublée par le péché originel, mais la doctrine catholique s’efforce d’affirmer, en face du protestantisme, que cette nature n’est pas radicalement pervertie. En tout cas, elle est restaurée plus admirablement encore (felix culpa) par le Christ. Le Dieu-fait-homme va réinscrire en l’homme sa marque divine par le baptême, lui donnant ainsi accès à la vie divine : la grâce. Redevenus ainsi vraiment image et même participant à la vie divine, l’homme et la femme, par leur union, représentent vraiment l’union intime de La Trinité. L’homme apparaît d’avantage à l’image de la seconde personne, le Christ ; la femme à l’image de la troisième, l’Esprit d’amour envoyé à l’Église, qui révèle et dispense les mystères de la vie. L’union de l’homme et de la femme baptisés est donc aussi l’image de l’union du Christ et de l’Église, union restaurée de la nature et de la surnature. Le baptême rendant l’homme participant à la vie divine, fait donc du mariage entre baptisés une union véritablement sacramentelle et indissoluble, car conforme à La Trinité et à l’union hypostatique du Verbe. Le mariage est d’autant plus sacramentel chez les baptisés, qu’il se rapproche davantage des volontés divines exprimées dans la Genèse. Le mariage des baptisés est ainsi « anthropologiquement » une réalité sacramentelle, la matière et la forme du sacrement ne sont donc rien d’autre que la matière et la forme du mariage, les époux en étant nécessairement les ministres. 233. Ce petit passage permet de mieux saisir l’ampleur de la sécularisation réalisée au XVIIIe siècle, sécularisation dont Le Ridant offre un très clair exemple. L’homme est présenté comme dénué de toute transcendance, le mariage humain est une réalité purement civile qu’il faut intégralement distinguer de la grâce. Comme dans toutes les démarches empiristes, les arguments de l’auteur sont souvent l’évidence, l’esprit des Lumières y ajoutant simplement un certain sarcasme : « il est si clair que le sacrement de mariage est entièrement distingué du mariage même, qu’on est surpris de voir des hommes savants et judicieux se buter à soutenir opiniâtrement que le mariage est tout à la fois contrat civil, et sacrement de la loi nouvelle. Tant il est vrai que les préjugés sont quelquefois si grands, qu’ils résistent à l’évidence même ! »189. Le Ridant ne peut pas concevoir que le mariage entre chrétiens puisse être tout à la fois naturel et surnaturel. Le mariage, union de l’homme et de la femme, comme il se plaît à en rappeler la définition traditionnelle190, est une réalité platement civile et naturelle, puisqu’elle existait avant la venue du Christ et qu’elle perdure chez les païens. Donc, pour lui, ce n’est pas un sacrement191 : « le mariage n’est pas un des sept sacrements que Jésus-Christ a établi dans son Église pour donner les grâces à ceux qui les recevront : une pareille idée serait extravagante. En effet, le sacrement de mariage, pris dans la véritable idée de sacrement, est postérieur au mariage »192 ; « Jésus-Christ n’a donc rien changé au mariage : il
189. Le Ridant, Examen de deux questions importantes sur le mariage, op. cit., p. XI. 190. Idem, pp. 32 à 34. 191. Idem, p. 35 : « Suivant la définition du mariage, adoptée par les théologiens, les canonistes et les jurisconsultes, les mariages des chrétiens ne sont pas d’une nature différente de celui d’Adam, et de ceux de tous les hommes qui ont été mariés avant la venue du Messie. Or ces mariages n’étaient pas de véritables sacrements de la loi nouvelle, puisque Jésus-Christ est l’auteur du sacrement de mariage, ainsi que des autres sacrements. Donc le mariage et le sacrement de mariage sont d’une nature différente, et on doit les distinguer l’un de l’autre ». 192. Ibidem.

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