Biblio Histoire du droit - Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI-XXIe siècles) - 246

LE MARIAGE FRUIT DE LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR DANS LE CODE CIVIL

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Ainsi Portalis, tout en mettant en valeur l’aspect naturel du mariage, place le droit naturel dans une sphère bien différente de celle du droit civil. Les deux sphères ne sont plus liées par une simple analogie, comme c’était le cas en droit romain. Le droit civil n’est plus l’expression des rapports sociaux au sein d’une cité particulière, par analogie au droit naturel – expression des rapports sociaux entre tous les hommes pouvant même se retrouver chez les animaux. Le droit civil se distingue du droit naturel non par l’étendue plus restreinte du champ d’observation, mais parce qu’il est légal. Portalis encore une fois insiste sur la force obligatoire de la loi : « quand nous parlons de force des lois, savons-nous bien quel est le principe de cette force ? Il réside moins dans la bonté des lois que dans leur puissance »63. C’est cette force, ce bras, qui est susceptible de mettre un frein aux passions, passions que la raison, à elle seule, n’est pas susceptible de réprimer. Se trouve ainsi justifié le rôle véritablement créateur de la loi sur le mariage, car sans la contrainte légale il n’y aurait que le règne anarchique des passions… II. LA JUSTIFICATION DU DIVORCE, EXPRESSION DE CETTE AUTONOMIE DU DROIT 290. Portalis tire parti de sa stricte délimitation du droit civil par rapport au droit naturel et à la religion pour justifier le divorce. Sur le plan naturel, il n’hésite pas à affirmer que « le mariage est un contrat perpétuel par sa destination »64. Sur le plan de la religion, il rassure en disant qu’« en admettant le divorce, le législateur n’entend point contrarier le dogme religieux de l’indissolubilité, ni décider un point de conscience »65. Portalis se place donc sur une position totalement indépendante, position qu’il considère strictement juridique. Le droit civil du mariage est clairement séparé du domaine rationnel et moral d’une part, du domaine de la conscience et de la religion de l’autre. Il ne lui reste qu’à rappeler les éléments précis que le législateur doit considérer, c’est-à-dire les éléments rentrant dans le champ spécifique du droit. Deux choses alors se retrouvent : la violence des passions dévastatrices et la nécessité d’une force coercitive pour y remédier. Le législateur, dit-il, « suppose seulement que les passions les plus violentes, celles qui ont fait et qui font encore tant de ravages dans le monde, peuvent détruire l’harmonie qui doit régner entre deux époux ; il suppose que les excès peuvent être assez graves pour rendre à ces époux leur vie commune insupportable »66 ; « le législateur n’emploie alors lui-même le pouvoir coactif que pour prévenir les désordres les plus funestes à la société, et prescrire les limites à des passions et à des abus dont on ose se promettre de tarir entièrement la source »67. Voilà, au-delà même de la question du divorce, le terrain bien délimité sur lequel travaille dorénavant le juriste en matière de mariage. Portalis l’affirme d’ailleurs lui-même : « sous ce rapport, la question du divorce devient une pure question civile »68. Le législateur n’est chargé que de la paix des ménages, dans un État
63. J.-É.-M. Portalis, Discours sur l’organisation des cultes (15 germinal an X), dans Discours, rapports et travaux inédits sur le concordat de 1801, op. cit., p. 4. 64. J.-E.-M. Portalis, Discours préliminaire sur le projet de Code civil, op. cit., p. 40. 65. Ibidem. 66. Ibidem. 67. Idem, p. 41. 68. Ibidem.

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