Biblio Histoire du droit - Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI-XXIe siècles) - 248

LE MARIAGE FRUIT DE LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR DANS LE CODE CIVIL

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subsisterait que le désordre des passions. Le droit se fait ainsi l’arbitre et de la religion et de la philosophie morale, pour créer de lui-même une législation matrimoniale selon ses propres critères. Dans cette œuvre créatrice, le législateur a bien évidemment besoin de s’inspirer d’une certaine philosophie, d’un certain droit naturel, ou même de principes religieux, mais c’est à lui seul qu’il appartient, in fine, d’établir la loi contraignante, c’est-à-dire de « faire le droit » (§ 1). Comme le rappelle bien le tribun Gillet, dans sa présentation du projet de loi sur le mariage au Tribunat73 : « vous n’y trouverez aucun de ces empêchements opposés par des barrières purement spirituelles, non qu’elles ne puissent s’élever encore dans le domaine respecté des consciences ; mais elles ont dû disparaître dans le domaine de la loi, dirigées par des vues d’un autre ordre »74. Ce sont ces vues d’un autre ordre qui composent dorénavant le champ du juridique, ce sont avant tout les intérêts de l’État et de la famille, puis les intérêts des enfants et des époux75. Ainsi, les nullités ne vont pas être directement en relation avec la nature du mariage, elles vont se comprendre comme des mesures d’ordre et d’intérêt public (§ 2). Si bien qu’à terme se profile l’idée que ce ne sont pas les époux qui réalisent le mariage, mais la loi afin d’organiser la société. Les paroles de l’officier d’étatcivil prennent alors un sens quasi littéral : c’est la loi qui unit les époux.

§ 1. LE MARIAGE RÉDUIT AU CODE ET À L’INTÉRÊT DE L’ÉTAT
293. Voilà le fruit cumulé du pouvoir de l’État sur le mariage et de la réduction du droit à sa dimension simplement civile. La première étape a été le résultat d’un long développement doctrinal à l’époque moderne, principalement élaboré autour de la question de la création des empêchements dirimants. La seconde, plus récente, est le fruit d’un certain empirisme excluant de la sphère juridique la métaphysique et la théologie. Le résultat est l’attribution exclusive à l’État de la définition juridique du mariage. Ce dernier devient donc un contrat de droit public (I), prenant sa source dans la loi avant de la prendre dans la nature. L’autorisation des parents au mariage ne se justifie plus par l’idée d’une puissance paternelle – sorte de pouvoir intermédiaire naturel – mais par un motif purement légal de paix sociale (II). L’exemple de la mort civile laisse entendre qu’en dehors de la loi il n’y a pas de mariage (III). I. LE MARIAGE, UN CONTRAT DE DROIT PUBLIC 294. Le consentement des futurs époux constitue une pièce absolument fondamentale, renforcée sous la Révolution par l’apologie de la liberté individuelle. Seulement, ce consentement ne va s’analyser que dans le champ limité de l’intérêt politique et social. Le consentement au mariage sera un engagement au service de l’État, matérialisé par la présence obligatoire de l’officier d’état-civil.
73. Rapport sur le projet de loi concernant le mariage fait par le tribun Gillet au Tribunat, au nom de la section de législation, dans la séance du 23 ventose an II (14 mars 1803), Locré, t. 4, op. cit., pp. 526-544. 74. Idem, pp. 531-532. 75. Voilà d’ailleurs les quatre paragraphes de son discours.

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